Révoltes contre le néo-fascisme : édito n°63
Publié le 22 Mai 2025
L'histoire se répète deux fois, la première comme une tragédie et la seconde comme un spectacle. Trump, Poutine, Orban, Mileï, Meloni ou Netanyahu composent une galaxie néo-fasciste. Bardella complète le tableau avec cette tradition française d'une extrême droite toujours prête à collaborer avec des régimes génocidaires. Mais ce néo-fascisme ne s'appuie plus sur des milices armées comme les chemises noires en Italie, les SS en Allemagne ou les ligues en France. Des syndicalistes et militants de gauche restent menacés et agressés. Mais ces violences émanent de groupuscules et non de mouvements de masse.
Le néo-fascisme s'appuie en revanche sur le spectacle. Les campagnes médiatiques et les réseaux sociaux remplacent les milices. La démocratie représentative et les débats politiques alimentent également une idéologie raciste et sécuritaire. La séparation entre le discours politique et la vie quotidienne des exploités ne cesse de se creuser. Le président Macron et les médias de gauche cèdent facilement face aux menaces et à la violence des attaques menées par les médias Bolloré.
L'antisémitisme de la gauche, bien réel, sert de prétexte à France Inter pour ressentir le lâche soulagement de participer à la meute qui défend Hanouna et ses idées fascistes.
La directrice de l'information du service public se précipite pour fustiger la condamnation judiciaire de Le Pen. Même ce bon vieux Jean-Michel Apathie se trouve dans la tourmente pour rappeler des vérités historiques. Le sinistre Retailleau est devenu une star médiatique alors qu'il ne provoque qu'agacements et au mieux bâillements pour jouer une symphonie raciste devenue ronronnante et grotesque. Les tentatives de dissolution d'organisations du mouvement social se multiplient. Chaque jour, en France et dans le monde, se déploie le néo-fascisme en action mais surtout en spectacle.
Face à cette accélération néo-fasciste, la gauche n'est évidemment pas à la hauteur. LFI se révèle incapable de mobiliser au-delà de sa secte, en dehors du succès des meetings de son gourou. Mais, comme Dupont-Moretti ou Jean Lassale, la bête de scène JLM préfère désormais le stand-up à la stratégie politique. Même le projet de prendre le pouvoir fait moins rêver que le spectacle. Surtout, les manifestations de défense de l'État de droit révèlent la faillite de la gauche.
Du Parti socialiste à Révolution Permanente, l'approche democratiste prime sur les luttes de classe. Pourtant, le vieux discours antifasciste qui se prétend rempart des valeurs démocratiques ne mobilise plus. Les mouvements interclassistes qui insistent sur les libertés publiques plutôt que sur les conditions de vie et de travail semblent déconnectés des préoccupations concrètes de la population. Après la répression des Gilets jaunes, des émeutes dans les quartiers, dans les Antilles et en Kanaky, il semble lunaire de s'accrocher à la défense de l'État de droit et de la justice.
En revanche, les manifestations féministes (8 mars) et antiraciste (22 mars) ont été un succès. Ce qui démontre le désir d'agir et de lutter contre la bourgeoisie réactionnaire. Cependant, les syndicats ne tentent pas de souffler sur ces braises pour impulser des mouvements de grève. Il semble pourtant important de s'appuyer sur ces manifestations pour porter la conflictualité dans les entreprises. D'autant que la militarisation et les discours réactionnaires s'appuient sur les entreprises et les nouvelles technologies. La riposte aux pitreries réactionnaires passent par des grèves et un mouvement d'ensemble et non pas par les éternelles postures de la gauche morale.
Des mouvements éclatent à travers le monde face aux régimes autoritaires et au néo-fascisme. Mais les revendications démocratiques s'articulent avec une véritable colère sociale. En Corée du Sud, une tentative de coup d'État déclenche d'importantes manifestations accompagnées d'une vague de grèves. Ce mouvement illustre l'articulation indispensable entre revendications démocratiques et révolte sociale. Le chef d'État est poussé à la démission pour éviter une propagation de la révolte. En Serbie, une catastrophe ferroviaire fait éclater la colère d'une jeunesse sans perspective. En Turquie, c'est l'emprisonnement d'un opposant politique qui déclenche une révolte sociale. De manière plus sporadique, des journées d'action et de grèves se lancent aux États-Unis, en Argentine ou en Grèce.
Dans ces différents pays, c'est bien la dérive fascisante de la classe politique qui est directement attaquée. Les régimes autoritaires se heurtent à l'opposition de la jeunesse et du prolétariat. Ces révoltes spontanées émergent en dehors des partis politiques. Ces mouvements reposent sur des pratiques d'auto-organisation qui s'opposent aux hiérarchies et à la délégation politique.Les manifestations massives s'accompagnent par des mouvements de grève et des actions locales.
La misère sociale est également remise en cause par les exploités qui refusent le désastre économique et social. Ce type de mouvement peut s'amplifier pour porter des perspectives nouvelles de transformation sociale. C'est à partir de ces révoltes sociales que peut se construire un véritable mouvement pour s'opposer au néo-fascisme et au capitalisme mais surtout pour inventer une société égalitaire et libertaire.
Sommaire du numéro 63 :
Mutations du capitalisme
Antonio Negri et le néo-opéraïsme
Maoïstes en folie
Les années rouges d'Alain Badiou
Pratiques syndicales
Le mouvement ouvrier international