La stratégie politique de Gramsci

Publié le 21 Mars 2024

La stratégie politique de Gramsci
Les théories de Gramsci sont devenues incontournables pour penser une stratégie de transformation sociale. Mais il semble indispensable de restituer le contexte historique et les débats qui traversent le mouvement ouvrier à l'époque de Gramsci. Il devient également important d'actualiser sa pensée pour ne pas se contenter de banales citations publiées sur les réseaux sociaux.

 

 

De la gauche radicale jusqu’à la droite néofasciste, une des figures intellectuelles les plus citées reste Antonio Gramsci. Ce marxiste révolutionnaire à la prose opaque s’est banalisé dans l’espace public. Cependant, si des citations et extraits sont dénichés, la cohérence de sa pensée reste occultée. Gramsci demeure attaché au projet d’émancipation des subalternes. Même si ses thèses et ses réflexions ne composent pas un dogme figé. Sa pensée évolue au cours de la rédaction des Cahiers de prison.

La pensée de Gramsci s’éclaire à travers son action politique. Il dirige le journal Ordine Nuovo durant la période 1919-1920. Dans un contexte de luttes sociales intenses, Gramsci soutient les conseils d’usine à Turin. Il devient ensuite un des fondateurs du Parti communiste italien (PCI) en 1921. Face à la ligne sectaire de Bordiga, il prend la direction du PCI en 1924 jusqu’à son emprisonnement par les fascistes.

La pensée de Gramsci vise à penser des situations concrètes et doit être restituée dans son contexte historique. Même si le dirigeant communiste livre peu de propositions stratégiques immédiates, contrairement à son contemporain Léon Trotsky. Néanmoins, la pensée de Gramsci peut nourrir les luttes émancipatrices de notre temps et s’actualiser dans le contexte de la situation contemporaine. Le philosophe Yohann Douet se penche sur ce penseur politique dans le livre L’hégémonie et la révolution.

 

 

             L'Hégémonie et la Révolution - 1

 

 

Subalternes et lutte pour l’hégémonie

 

L’objectif ultime de Gramsci reste l’émancipation des masses subalternes. Ces groupes sociaux ne doivent plus subir l’initiative historique de la classe dominante. Les subalternes doivent devenir actifs et autonomes. « L’autonomie d’un groupe social désigne d’abord ici sa capacité à s’orienter collectivement d’une manière indépendante de l’influence politico-idéologique des groupes sociaux dominants et en accord avec ses intérêts historiques fondamentaux », précise Yohann Douet. Les subalternes doivent donc devenir un acteur collectif et une force socio-politique.

Les forces collectives se forment historiquement dans et par leurs luttes. Le rapport de force économique conditionne les rapports de force socio-politique. Gramsci accorde ainsi une importance centrale à la lutte des classes. Le corporatisme doit être dépassé par une conscience de classe sur la base d’intérêts économiques communs. Néanmoins, les luttes syndicales ne visent pas à renverser la domination de classe. Elles visent l’amélioration immédiate de la situation de la classe subalterne dans le cadre du capitalisme. Les luttes pour des augmentations de salaires s’inscrivent dans cette démarche.

La phase politique devient l’alliance entre différents groupes subalternes au-delà de leurs corporatismes respectifs. Pour Gramsci, cette phase correspond à un affrontement entre partis pour conquérir le pouvoir. Gramsci insiste également sur l’inversion du rapport de force militaire. Il ne propose pas une voie pacifique vers le socialisme et s’inscrit clairement dans la tradition révolutionnaire. Les groupes subalternes, pour devenir autonomes et hégémoniques, doivent s’appuyer sur le parti communiste pour « fonder un nouveau type d’État ». Les luttes des différents groupes subalternes doivent se coordonner et s’unifier à travers le parti.

 

Pour Gramsci, le concept d’hégémonie s’apparente à la dictature du prolétariat. Comme Lénine, le communiste italien considère que la classe ouvrière doit exercer une hégémonie sur la paysannerie, mais aussi sur les intellectuels et la petite bourgeoisie progressiste. Ensuite, Gramsci analyse l’hégémonie bourgeoise qui évolue selon les périodes et les situations historiques. Mais l’hégémonie du prolétariat et l’hégémonie de la bourgeoisie n’ont pas la même forme et n’utilisent pas les mêmes instruments. Gramsci distingue l’hégémonie, qui s’apparente à une direction, du concept de domination. La suprématie d’un groupe social se manifeste comme une « direction intellectuelle et morale » avant d’apparaître comme une domination. L’hégémonie repose sur le consentement tandis que la domination s’appuie sur la force et la coercition. Même si la classe dirigeante s’appuie sur ces deux aspects du pouvoir.

Contrairement au gramscisme actuel, la lutte pour l’hégémonie ne se réduit pas à sa dimension culturelle, et encore moins à sa dimension intellectuelle. Même si le sens commun reste un terrain de lutte crucial. Cette combinaison de croyances, de représentations et d’opinions varie selon les secteurs des masses populaires concernées. Les militants politiques doivent partir de ce sens commun et de ses contradictions pour élaborer des conceptions cohérentes et critiques. Le marxisme doit être capable d’éclairer les subalternes sur leur situation, leur activité et leurs luttes. Cette vision du monde doit leur donner une conscience d’eux-mêmes en tant que force collective. Les intellectuels organiques doivent donc permettre à un groupe social de se considérer comme une force collective. L’hégémonie s’appuie également sur une dimension économique. Le modèle fordiste permet une adhésion au capitalisme à travers des salaires élevés, une consommation de masse et des cadres intermédiaires au sein des entreprises.

 

 

        

 

 

Parti et guerre de position

 

La révolution socialiste se traduit par une hégémonie du prolétariat qui vise à abolir la domination de classe en général. Cette dynamique doit s’opposer aux idées fatalistes et mécanistes qui permettent la résurgence des mouvements réactionnaires. L’hégémonie bourgeoise vise à neutraliser la conflictualité sociale pour conserver la stabilité de sa domination. La bourgeoisie évite de réprimer ouvertement les conflits. La classe dirigeante vise à gérer la contestation et à la limiter à un niveau d’intensité acceptable pour le bloc social dominant.

Au contraire, l’hégémonie prolétarienne repose sur la conflictualité avec des rapports sociaux qui se transforment au cours d’une lutte intérieure continuelle. Gramsci insiste sur l’importance des contre-pouvoirs comme les syndicats, les Bourses du travail ou les conseils qui limitent la liberté du patron dans l’entreprise. Les organisations du mouvement ouvrier deviennent des foyers de démocratie prolétarienne à l’intérieur de la démocratie bourgeoise.

 

Pour Gramsci, le parti révolutionnaire joue un rôle central. Il doit permettre l’unification autonome des subalternes et lutter pour l’établissement d’une société nouvelle. Gramsci rejette les stratégies comme le syndicalisme révolutionnaire qui peuvent reposer sur les luttes autonomes du prolétariat. Gramsci estime que la grève générale ne peut pas permettre l’instauration d’un État de type nouveau. Ainsi, Gramsci réduit la grève générale à un simple élément de la lutte politique pour prendre le pouvoir.

Gramsci reste fidèle à Lénine. Il s’attache à un parti discipliné et hiérarchisé, comme une armée, au nom de l’efficacité. Cependant, le parti doit également reposer sur une intense vie démocratique. « Il exige une unité organique entre théorie et pratique, entre couches intellectuelles et masses populaires, entre gouvernants et gouvernés », précise Gramsci. Une dialectique doit se construire entre la direction consciente et les initiatives de la base. Gramsci pointe le risque d’un parti coupé des masses qui se replie sur le fétichisme de l’organisation. Le groupe parlementaire et le syndicat doivent également être contrôlés pour éviter une dérive bureaucratique et une tendance à l’oligarchie.

 

Gramsci distingue la guerre de mouvement et la guerre de position. Les métaphores militaires se banalisent dans les débats stratégiques entre marxistes. Gramsci critique la guerre de mouvement incarnée par Rosa Luxemburg et sa stratégie qui repose sur la grève de masse. Gramsci considère que cette approche s'appuie sur un contexte de crise du capitalisme avec un effondrement du bloc bourgeois et une unification du prolétariat. Gramsci estime cette stratégie comme messianique et attentiste. Il considère que la révolution russe de 1917 demeure un des rares exemples de guerre de mouvement.

Ainsi, dans un contexte de reflux des luttes sociales, Gramsci préconise la guerre de position. Il s’attache au front unique qui rassemble les organisations socialistes et communistes. Cette guerre de position consiste à accumuler des munitions avant de partir au combat. La guerre de mouvement joue un rôle uniquement tactique. Les offensives du prolétariat doivent permettre de gagner de nouveaux droits. Mais c’est le parti qui doit permettre de consolider ces positions dans un contexte de reflux des luttes sociales. Même si Gramsci évoque également un moment insurrectionnel pour renverser la domination bourgeoise. Il propose donc une articulation entre guerre de mouvement et guerre de position.

 

 

Congrès de crise à la CGT : une nouvelle direction sans changement de stratégie ?

 

 

Actualité d’une stratégie

 

La pensée de Gramsci doit être actualisée pour ouvrir des perspectives politiques. Son cadre théorique s’appuie sur de nombreux exemples historiques. Ce qui révèle la dimension intemporelle de ses concepts. La construction des groupes subalternes évoque les paysans de l’Italie du Sud. Mais le concept peut évoquer les mouvements des femmes, mais aussi les luttes des travailleurs immigrés ou les minorités raciales. Ces groupes atomisés et marginalisés se sont construits pour devenir une force collective. La politique néolibérale contribue à la fragmentation et à l’atomisation des groupes subalternes. Mais leurs luttes contre la domination bourgeoise n’ont pas disparu. La guerre de position vise à rendre ses luttes cohérentes pour former une volonté collective et une activité hégémonique.

Gramsci propose une unification des subalternes, dont les paysans, sous hégémonie de la classe ouvrière. Cependant, les sociétés occidentales ont évolué. La paysannerie a presque disparu tandis que la classe ouvrière, si elle reste importante, ne cesse de décliner en terme numérique. En revanche, les salariés composent 90% de la population. La condition de prolétaire et d’exploité au sens marxiste s’est donc généralisée. Même si le groupe des salariés reste diversifié. Les cadres ne disposent pas des moyens de production mais ils s’apparentent à un groupe dominant en raison de leur position hiérarchique et de leur niveau de vie. Surtout, le groupe des salariés dominés reste fragmenté entre chômeurs et travailleurs stables, selon des statuts juridiques et des types de contrat, des nationalités et des zones géographiques.  Des écarts s’observent également en termes de conscience de classe, de combativité, de visions du monde, de modes de lutte et d’organisation collective.

 

En France de nombreuses luttes massives éclatent, du mouvement contre la loi Travail de 2016 à la lutte contre la réforme des retraites dans l’hiver 2019 et en 2023, en passant par la révolte des Gilets jaunes dans l’hiver 2018-2019. Cependant, ces luttes restent fragmentées et correspondent à des catégories sociales spécifiques. Le mouvement ouvrier organisé repose sur le salariat stable et la fonction publique. Les Gilets jaunes se composent d’un salariat des services, précaire et souvent féminin, ainsi que des travailleurs exploités sous des formes non salariales. Les luttes écologistes reposent sur la jeunesse des classes moyennes. Les luttes des quartiers populaires regroupent une population plus précaire. « Les différences entre ces mouvements résident donc dans la base sociale, le mode d’action et dans le caractère, formalisé ou non, des organisations qui les ont impulsées et dirigées », observe Yohann Douet.

Aucun groupe ne peut exercer une activité hégémonique pour permettre une alliance socio-politique. Le mépris des syndicats à l’égard des Gilets jaunes est révélateur en ce sens. Gramsci estime que c’est le rôle du parti de permettre le passage hégémonique du rapport de force politique. Cependant, les partis de gauche actuels semblent groupusculaires et sans ancrage social. La guerre de position vise à lutter pour gagner et renforcer des positions au sein de la société civile, y compris au sein des syndicats. Une campagne électorale, même victorieuse, ne suffit pas à unifier véritablement les subalternes.

Si aucun groupe ne semble hégémonique, il semble possible de se regrouper autour d’un pôle hégémonique. Le mouvement ouvrier organisé, malgré les limites profondes des organisations syndicales, apparaît comme le pôle hégémonique principal. Les syndicats conservent une influence sociale et politique importante. Ces organisations montrent leur capacité de mobilisation au cours des mouvements sociaux. Le prolétariat, qui comprend l’ensemble des salariés exploités, peut transformer la structure économique de la société à travers l’arme de la grève. La lutte hégémonique passe donc par l’unification du prolétariat.

 

 

Quel parti pour quelle stratégie ?

 

 

Limites d’une stratégie

 

Yohann Douet propose la lecture la plus éclairante de la pensée de Gramsci. La théorie du marxiste italien sort souvent édulcorée et déformée. Le populisme de gauche, conceptualisé par Chantal Mouffe et Ernesto Laclau, se réclame de Gramsci. Sa réflexion stratégique reste réduite à une banale « bataille des idées ». Les médias de gauche et les intellectuels peuvent se draper dans cette figure de la pensée italienne pour insister sur leur rôle central. Mais les réflexions de Gramsci ne se réduisent pas à un nombrilisme de classe.

Yohann Douet permet de restituer cette pensée foisonnante dans son contexte historique. Gramsci propose avant tout d’adapter le modèle marxiste-léniniste dans le cadre de la démocratie bourgeoise. Le parti communiste doit s’appuyer sur la liberté d’expression et les contre-pouvoirs pour élargir son influence. Cependant, Gramsci ne propose pas une stratégie gradualiste et social-démocrate qui s’appuie uniquement sur des réformes successives. Le marxiste italien reste attaché à la perspective d’une prise de pouvoir de la classe ouvrière, y compris par l’insurrection, pour renverser la domination de la bourgeoisie.

Yohann Douet parvient également à restituer Gramsci dans les débats qui agitent le mouvement ouvrier et les théoriciens marxistes. Le dirigeant du parti communiste italien propose une stratégie politique qui a le mérite de la clarté. Néanmoins, ces perspectives restent contestées par ses contemporains. Yohann Douet revient sur ces débats pour les actualiser dans le contexte des sociétés capitalistes du XXIe siècle.

 

Gramsci insiste sur la centralité du parti. Il souligne l’importance de la construction d’une organisation militaire et hiérarchisée. Dans le contexte actuel, le parti ne peut pas reposer sur la soumission à une direction. Il doit reposer sur le pluralisme. Pour Gramsci, le parti doit imposer sa tutelle sur des syndicats soupçonnés de corporatisme. Il souligne le lien organique entre le parti et les autres organisations de subalternes. Mais son rapport instrumental aux syndicats s’oppose au nécessaire pluralisme et à la diversité des luttes. Le parti doit permettre un échange entre des théories, des stratégies, des projets avec des expériences pratiques. Mais le parti doit surtout prendre la direction des masses subalternes pour orchestrer des pôles hégémoniques.

Cette stratégie ne semble plus crédible au XXIe siècle. La révolte des Gilets permet l’irruption de luttes de masse plus spontanées et plus radicales dans leurs méthodes. La guerre de mouvement semble devenir plus actuelle qu’une guerre de position qui repose sur des partis et des syndicats déconfits. Rosa Luxemburg demeure la théoricienne de la guerre de mouvement. Elle souligne que l’étincelle de la conscience révolutionnaire s’allume dans l’action. De plus, Rosa Luxemburg accorde davantage d’importance au pluralisme et au débat plutôt qu’au parti centralisé. Surtout, elle insiste sur la démocratie ouvrière avec des structures auto-organisées comme les soviets, les comités d’usine et les conseils ouvriers.

Cette stratégie de guerre de mouvement devient davantage actuelle au regard des soulèvements à travers le monde. Des révoltes spontanées éclatent en dehors des partis et des syndicats. Les débris de la gauche ne proposent aucune véritable perspective stratégique à ces mouvements. Les partis semblent largement dépassés et sont incapables d’intervenir dans ces types de mouvements. Rosa Luxemburg et la tradition du communisme de conseils semblent bien plus pertinentes que les vieilles lunes léninistes pour ouvrir des perspectives nouvelles. Il manque à ces mouvements l’émergence de structures d’auto-organisation capables de renverser le capitalisme pour réorganiser l’ensemble de la société.

 

Source : Yohann Douet, L’hégémonie et la révolution. Gramsci penseur politique, Amsterdam, 2023

 

Articles liés :

Le marxisme d'Antonio Gamsci

Gauche radicale et stratégie populiste

La stratégie écosocialiste

Marxisme et stratégie militaire

 

Pour aller plus loin :

Vidéo : Les enjeux de la bataille des idées : hégémonie, idéologie et contre-offensive, diffusée par Institut La Boétie le 11 mai 2023

Radio : Yohann Douet, Gramsci, penseur de l’hégémonie [Podcast], diffusée sur le site de la revue Contretemps le 16 janvier 2022

Radio : Yohann Douet, Michael Löwy et Marina Garrisi, Marx face au problème de l’État [Podcast], diffusée sur le site de la revue Contretemps le 26 mars 2023

Radio : Présentation de L'hégémonie et la révolution. Gramsci penseur politique, diffusée sur le site Les armes de la critique le 15 décembre 2023

Yohann Douet, Comment hériter d'Antonio Gramsci ?, publié sur le site Le Vent Se Lève le 23 novembre 2023

Yohann Douet, Gramsci face au monde grand et terrible, publié sur le site La Vie des idées le 6 septembre 2023

Frédéric Lemaire et Yohann Douet, Gramsci, critique des médias ?, publié sur le site Acrimed le 21 décembre 2020

Yohann Douet, « Antonio Gramsci et la critique littéraire intégrale », Fabula / Les colloques, Pour une critique matérialiste des œuvres littéraires, publié sur le site Fabula le 8 octobre 2021

Yohann Douet, Althusser, Poulantzas et le problème de l’autonomie de la politique, publié dans la revue L'Homme & la Société n° 209 le 2019

Articles de Yohann Douet publiés sur le site de la revue Contretemps

Giovanni Carpinelli, « Yohann DOUET, L’Histoire et la question de la modernité chez Antonio Gramsci », publié dans la Revue européenne des sciences sociales le 14 août 2023

Louis Rouquayrol, Yohann Douet, L’Histoire et la question de la modernité chez Antonio Gramsci, publié dans la revue La Pensée N° 416 en 2023

Dossier : il faut lire (ou relire) Gramsci publié sur le site de la revue Contretemps

Nathan Deas, Gramsci, penseur léniniste de la révolution, publié sur le site Révolution Permanente le 20 janvier 2024

Panagiotis Sotiris, Gramsci et la stratégie de la gauche contemporaine : le « bloc historique » comme concept stratégique, publié dans la revue en ligne Période le 29 septembre 2014

Publié dans #Pensée critique

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article