Guerres et situation internationale : édito n°59

Publié le 11 Avril 2024

Guerres et situation internationale : édito n°59

La situation internationale n'est pas particulièrement réjouissante. C'est bien la guerre qui monopolise l'actualité. L'envoi d'armes, et même de militaires, en Ukraine est mis à l'agenda par le gouvernement dans un contexte de campagne électorale. La guerre semble s'enliser. Comme dans la plupart des occupations militaires, l'armée russe subit la lassitude face à la résistance d'une population qui n'accepte pas son sort.

Les occupations occidentales en Irak ou en Afghanistan auraient suffit à anticiper ce scénario. L'occupation française au Mali s'inscrit également dans ce schéma. L'armée qui se retire après une dizaine d'années et plusieurs milliers de morts plus tard en laissant un pays exsangue reste le principal bilan de ses diverses guerres. Ce qui n'empêchent pas médias et politiciens de jouer les va-t-en guerre sans esquisser le moindre bilan des précédantes interventions militaires. 

Les médias traitent avec une attention soutenue ce conflit en Ukraine. L'image d'une guerre aux portes de l'Europe guide ce traitement. Mais c'est surtout une vieille logique de guerre froide qui dicte les médias. L'Occident contre le bloc Chine-Russie devient le conflit structurant des relations internationales. Les médias français se rangent docilement derrière la propagande occidentale et le camp américain.

 

Mais il est plus original d'observer les débats qui agitent les groupuscules d'extrême gauche. La France insoumise reste fidèle à la tradition sociale-démocrate, avec une logique gaulliste qui vise à défendre avant tout les intérêts de l'État français. L'ONU et le droit international restent sa boussole. La recherche de la paix par la négociation apparaît effectivement comme la posture la plus raisonnable, mais pas forcément la plus réaliste. 

Le NPA a toujours défendu les luttes de libération nationale jusqu'à l'absurde. L'armée ukrainienne est perçue comme une organisation de résistance face à une armée d'occupation. Le NPA semble même la comparer même au Hamas. Mais l'embrigadement militaire, le nationalisme et l'unité derrière un pouvoir autoritaire ne sont pas questionnés. Le NPA permet de montrer toutes les limites de la défense des luttes de libération nationale qui occultent les clivages de classe.

 

Ces grandes stratégies géopolitiques adoptent le point de vue des États et des gouvernements. Il semble préférable de partir des souffrances vécues par les populations civiles. De ce point de vue, le massacre et la déportation de la population palestinienne ne doivent pas être plongés dans l'indifférence. Il faut d'ailleurs souligner le cynisme des islamistes et d'une partie des gauchistes. Ils ont soutenu l'attentat du Hamas car il permet à nouveau de faire parler de la cause palestinienne. À court terme, c'est indéniable. Mais à moyen terme, des milliers de morts après, c'est le retour à l'impasse et à l'indifférence alors qu'Israël colonise un territoire toujours plus vaste.

Ce point de vue à hauteur de vie humaine doit également permettre de se pencher sur les causes, plutôt que de s'indigner sur les conséquences. Et les causes, ce sont clairement les États, leurs décisions et les embrouilles entre bourgeois. Parmi ces embrouilles, il y a la défense d'un territoire, d'un pouvoir, d'une sphère d'influence. Mais il y a aussi le capitalisme. Le grand marché mondial repose avant tout sur la concurence. La guerre en Ukraine se comprend difficilement si la question du gaz et de l'énergie est occultée. Mais ce n'est pas sur LCI et dans les médias bourgeois que ces enjeux seront questionnés. 



Il reste une dimension décisive mais largement ignorée de la situation internationale. Des experts en géopolitique aux vastes panoramas proposés par les vestiges des diverses "Internationales" trotskistes, la situation économique et sociale demeure éludée. Loin de s'effondrer, le capitalisme se porte bien. Les multinationales ne cessent d'augmenter leurs profits. En revanche, la population s'appauvrit avec des revenus qui stagnent et une inflation qui perdure.

Les inégalités économiques et sociales ne cessent de se creuser depuis plusieurs décennies. Le contexte économique a alimenté des révoltes sociales dans plusieurs pays en 2011 et en 2019. Ces soulèvements ont renversé des régimes et bouleversé la situation internationale. Par exemple, la répression sanglante de la révolte en Syrie a joué un rôle moteur dans l'émergence de Daesh et l'affirmation du pouvoir russe au-delà de ses frontières.



L'écrasement de ces révoltes sociales ont suffit à congédier le spectre de la révolution. Des États-Unis à la Chine, de la France à la Russie, de Daesh au Hezbollah, du Hamas à Israël, de Wagner à Blackwater, des mafias aux multinationales : les divers acteurs internationaux communient quand il faut réprimer une révolte sociale qui menace l'ordre existant. Néanmoins, ces institutions défendent leurs intérêts à courte vue et peuvent appuyer des révoltes qui attaquent le rival du moment. La division des États peut même affaiblir la répression. La complexité des relations internationales est loin d'empêcher les triomphes de soulèvements à venir.

La spontanéité révolutionnaire, forgée par les luttes sociales, reste l'élément décisif de l'Histoire. Dans une actualité macabre, il faut souligner les luttes sociales qui émergent en Argentine, au Sénégal ou en
Inde. Malgré leurs limites, ces mouvements de lutte permettent de sortir d'un échiquier géopolitique sur lequel nous ne sommes que des pions. Ce sont les sociétés, et non les États et leurs milices, qui fondent le nouvel ordre international. Ce sont les mouvements sociaux qui peuvent véritablement bouleverser le cours de l'histoire. Nous pouvons reprendre en main le destin de nos vies par les luttes locales et internationales.

 

 

Sommaire n°59 :

 

Guérillas en Europe

L'IRA et les luttes en Irlande

Les actions des GARI

 

Stratégies de gauche

Gramsci et la stratégie politique

Faillite de la gauche française

Stratégies et partis de gauche

Stratégie écosocialiste

Lutte des classes en France

 

Ultra-gauche historique

Les communistes de conseils

La gauche allemande des années 1918

La trajectoire de l'ultra-gauche

Publié dans #Numéros complets

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