La force des grèves : édito N°57

Publié le 19 Octobre 2023

La force des grèves : édito N°57

Les déclarations creuses et grandiloquente pourraient prêter à rire si la réalité n'était pas aussi tragique. Dans ce concerts de commentaires sans recul sur le conflit entre Israël et la Palestine, il semble difficile d'entendre un propos pertinent et nuancé. Les médias et les politicards français défendent une colonisation qui accule la population palestinienne à une vie de misère dans une prison à ciel ouvert. De l'autre côté, l'extrême gauche française défend l'extrême droite islamiste et relativise le massacre. Quand on sait que les mêmes s'empressent de condamner les moindres débordements dans les mouvements sociaux qui se réduisent à des destructions matérielles, on se rappelle que les gauchistes sont plus attachés à l'ordre et à la légalité républicaine plutôt qu'aux vies humaines.

Gilbert Achcar observe que l'attaque du Hamas relève davantage du fanatisme religieux que de la stratégie victorieuse. L'affrontement militaire ne mène à rien face à Israël qui riposte par des bombardements. Nos experts en géopolitique et nos politicards de tous bords oublient que seul un mouvement de masse peut débloquer la situation. Seule la première Indifada de 1988 a permis d'ouvrir un processus de négociations. L'insurrection, avec des grèves et des émeutes, reste la seule stratégie possible pour la population palestinienne. Le seul horizon d'espoir dans ce monde mortifère ne peut venir que de la multiplication des luttes sociales.


Sous les radars des médias bourgeois, le poumon du capitalisme mondial subit quelques secousses. Les luttes aux États-Unis préfigurent souvent les nouvelles formes de conflits sociaux. Face au capitalisme moderne et technologique, de nouvelles pratiques de lutte doivent s'inventer. 
La grève à Hollywood marque évidemment la période. Derrière les paillettes et les défilés de stars, les travailleurs de l'ombre s'organisent. 

Le sujet de l'intelligence artificielle reste le plus médiatique. Les algorithmes des plateformes de série sont pourtant une nouveauté qui date déjà d'une dizaine d'années. Mais ce sont surtout les figurants et les figurantes qui sont remplacés par des images de synthèse. Autant de "petits métiers" qui peuvent disparaître. Hollywood reste une industrie florissante qui repose sur l'exploitation de travailleurs anonymes qui sont loin de toucher les cachets des stars de cinéma. La lutte pour les salaires et les conditions de vie demeure centrale et universelle.

Des grèves s'observent dans d'autres secteurs de l'économie américaine. Dans une société libérale qui repose sur la violence des rapports sociaux, l'exploitation semble plus violente. Mais la lutte doit également se montrer plus déterminée. Les exploités doivent s'organiser et lutter pour ne pas se faire écraser par la violence du patronat. Les travailleurs de la logistique ont lancé un mouvement de grève, rapidement victorieux. Les ouvriers de l'automobile ont suivi. Les grèves débouchent également sur des augmentations de salaires.

 

Ces conflits sociaux montrent leur force et leurs limites. Ces grèves restent sectorielles et isolées. La lutte s'achève dès que les patrons concèdent quelques miettes de leurs profits gigantesques. Cependant, ces grèves montrent surtout la force collective des exploités. Ce qui tranche avec les discours de la gauche française qui déplore la sous-traitance et la précarité pour tenter de ringardiser la lutte des classes. Tandis que la gauche a acté sa défaite, les exploités n'ont pas d'autre choix que de lutter. 

Au contraire, les mouvements de grève permettent de faire plier facilement les capitalistes à une échelle locale et sectorielle. Si les conflits sociaux se propagent et se multiplient de nouvelles possibilités de transformation sociale peuvent s'ouvrir. Le basculement révolutionnaire peut découler d'une prolifération de luttes locales qui peuvent ensuite se coordonner. Ces grèves permettent d'incarner des exemples de victoires sociales. Les luttes permettent avant tout d'améliorer la vie quotidienne dans l'immédiat.

Les grèves sont également des moments pour réfléchir collectivement. Les stratégies des capitalistes, mais aussi des bureaucrates, apparaissent de manière claire. Les grèves permettent de développer une conscience de classe et des pratiques de lutte. Rosa Luxemburg ou les syndicalistes révolutionnaires insistent sur cette "gymnastique" de la lutte des classes. Le corps social développe des pratiques d'action collective. Ce qui permet de diffuser des réflexes de lutte qui peuvent se propager dans des contextes de soulèvements sociaux.
 

 

Sommaire du numéro 57 :

 

Postcolonialisme

La théorie postcoloniale

La question algérienne en France

 

Repenser l'amour

Réflexion sur l'amour

Amour et hétérosexuelle

Le mythe de l'amour

 

Figures de la pop culture

La philosophie de James Bond

Le féminisme ludique de Fifi Brindacier

La révolte de Katniss Everdeen

Buffy contre les oppressions

Publié dans #Numéros complets

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