Le mythe de Dark Vador

Publié le 16 Janvier 2025

Le mythe de Dark Vador
Dark Vador apparaît comme une figure de méchant particulièrement démoniaque. Mais ce personnage, au coeur de la saga Star Wars, dévoile sa jeunesse. Ce qui lui donne un côté plus humain et moins manichéen. Ce personnage puise dans diverses mythologies religieuses et culturelles Mais il évoque également l'évolution politique des démocraties libérales.
 
 
L’engouement autour de la saga Star Wars traverse les générations. Ce cinéma populaire s’adresse à un public jeune qui recherche de nouvelles sensations audiovisuelles mais aussi des mythologies actualisées. Ces films diffusent des références culturelles partagées et un imaginaire collectif très spécifique. Dark Vador s’impose comme le protagoniste central des deux premières trilogies. Il reste traversé par différentes personnalités. Il demeure tiraillé entre le Bien et le Mal, entre la chair et le métal, l’humanité et la technologie. Il apparaît comme un des pions du machiavélique Empereur Palpatine. Mais il demeure le grand méchant incontournale de la saga. Il est même considéré comme une des créatures les plus diaboliques jamais présentées à l’écran.

Son apparence physique, surhumaine et menaçante, sa voix basse, le bruit métallique de sa respiration artificielle le rendent charismatique et effrayant. Pourtant, Anakin Skywalker est présenté comme l’Élu qui doit rétablir la paix dans la galaxie. Son destin messianique et sacrificiel le rapproche des lectures religieuses. Il reprend également le mythe faustien du pacte avec le Diable. Son parcours est également marqué par des problématiques politiques qui soulèvent des enjeux contemporains. Björn-Olav Dozo & Dick Tomasovic explorent la mythologie du personnage dans le livre Dark Vador. À feu et à sang.

 

 

                            

 

 

Dérive autoritaire

 

La première apparition de Vador dévoile un être puissant et impitoyable. Il peut tuer un militaire d’une main. Mais, lors de sa deuxième apparition, il est confronté à la Princesse Leia, qui parvient à lui tenir tête. Vador perd la bataille face à celle qui symbolise le combat de la Résistance. Cette scène « représente la ligne de force politique de toute la saga : contre la tyrannie brutale, la victoire reviendra à celui ou celle qui se dresse et fait face, malgré le déséquilibre des forces apparent », analysent Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic.

Dark Vador apparaît comme un homme d’action qui privilégie les solutions les plus simples face aux problèmes complexes. Le jeune Anakin semble dépassé par les enjeux politiques auxquels il est confronté. Contrairement à Padmé Amidala dont il est amoureux et qui exprime une conscience politique aiguisée.

Dark Vador, figure du Mal absolu, apparaît rapidement comme le père des deux héros : Luke Skywalker et la Princesse Leia. Ce qui permet une interrogation sur les liens familiaux, dans le sillage d’Œdipe et d’Abraham. Mais qui questionne aussi sur les figures du Bien qui sont enfantées par l’incarnation du Mal absolu : Vador.

Anakin, le futur Vador, apparaît comme un enfant attachant aux talents incroyables. Dans l’épisode I, il permet de sauver un équipage Jedi échoué sur Tatooine. Dans l’épisode II, Anakin apparaît comme un adolescent insupportable. Il est incapable d’empathie et assuré de sa supériorité. Mais il subit également la morale Jedi qui réprime l’amour et les sentiments.

 

Anakin apparaît comme un guerrier attaché à la maîtrise et à la certitude. Il balaye les doutes et les nuances. Il ne comprend pas l’incertitude du jeu social et l’ouverture des possibles. Ces analyses politiques basculent alors vers l’autoritarisme. « Cette volonté de maîtriser le doute et l’incertitude se retrouve dans sa conception de la politique, largement tyrannique », observent Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic.

Anakin adopte une posture anti-système. Il rejette des institutions politiques complexes qu’il refuse de comprendre. Ce chevalier Jedi est pourtant au centre du système politique. Il adopte donc la posture démagogique d’un membre de l’élite qui prétend rejeter un système auquel il participe. Surtout, Anakin rejette les débats politiques, des conflits entre intérêts sociaux et la lutte des classes.

Obi-Wan lui annonce que le Sénat va voter des pouvoirs supplémentaires au Chancelier Palpatine. « Moins de discussions, plus d'actions. Est-ce un mal ? Il nous sera plus facile de terminer cette guerre », réplique Anakin. Il défend l’autorité pour maîtriser le social et contraindre les citoyens de la République à respecter l’ordre. En revanche, le Padawan ne respecte pas les règles et la discipline des Jedi. Obi-Wan est constamment obligé de la rappeler à l’ordre.

 

 

      star wars dark vador téléchargement

 

 

Côté Obscur de la Force

 

La Force s’apparente à une énergie puissante. Certains êtres développent des capacités d’interagir avec la Force. Ils se répartissent en deux groupes : le Côté Lumineux (les Jedi) et le Côté Obscurs (les Sith). Les Jedi se mettent au service de la République galactique tandis que les Sith soutiennent une tyrannie dirigée par un empereur. L’Ordre Jedi s’apparente à une religion d’État avec ses institutions, ses lieux d’enseignements et son centre de décision à travers le Conseil des Jedi. Cette religion entretient un lien fort avec le pouvoir.

Les Jedi aident à maintenir la paix et la justice dans la galaxie. Coruscant peut s’apparenter au Vatican. Les Jedi peuvent servir comme conseillers pour les puissants locaux ou comme diplomates. Les Sith, au contraire, ne sont pas au service du pouvoir. Ils sont le pouvoir et incarnent la volonté absolue de l’obtenir. Ils se sont entretués et seuls deux Sith dominent la galaxie. L’Empereur Palpatine est un maître Sith. Dark Vador devient son apprenti. 

Anakin rejoint le Côté Obscur car il veut sauver Padmé. Il est manipulé par Palpatine qui lui promet de lui donner le pouvoir de l’empêcher de mourir. Devenu Dark Vador, il comprend que l’Empereur lui a menti. Mais il a commis des massacres et s’est éloigné de la voie des Jedi. Aucun retour en arrière n’est possible. Il va donc se dévouer corps et âme au Côté Obscur et se soumettre à l’Empereur. Mais Dark Vador continue de servir la Force. Il reste l’un de ses utilisateurs les plus habiles et les plus puissants.

« De ce point de vue, la prophétie n’a pas menti : Vador est l’un des plus grands champions de la Force que la galaxie est jamais connue », soulignent Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic. La maîtrise de la Force nécessite une forme de spiritualité. Son exploitation dépend de la volonté de ceux qui l’utilisent. La Force n’est ni positive ni négative. Si Dark Vador parvient à maîtriser le Côté Obscur de la Force, il ne semble pas pour autant satisfait et heureux. « La religion, dans Star Wars, mène rarement à un épanouissement ou à un accomplissement de soi », observent Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic.

 

Star Wars, comme toutes les grandes œuvres populaires, apparaît comme un reflet de son époque. La saga s’amorce dans le contexte de la guerre du Vietnam. Le début des années 2000 est marqué par le contexte du terrorisme et des lois sécuritaires. La trajectoire d’Anakin apparaît comme une forme de radicalisation. Il est baigné dans un contexte religieux qui favorise une vision binaire et extrême. Il est tiraillé par des événements politiques qui le dépassent et se tourne vers des solutions simplistes.

Anakin apparaît comme l’incarnation du terroriste islamiste. Mais le personnage semble également s’inspirer du président Bush. Il soutient le basculement de la démocratie parlementaire vers un régime autoritaire au nom de la défense de l’ordre. « Si tu n’es pas avec moi, alors tu es contre moi », lance Anakin à Obi-Wan selon un propos qui semble inspiré du président Bush. Il adopte une vision manichéenne entre amis et ennemis. La politique guerrière des États-Unis mène au désastre.

 

 

 

Image de Star Wars avec Dark Vador attaquant les Rebelles

 

 

Origines du Mal

 

Björn-Olav Dozo & Dick Tomasovic proposent des analyses éclairantes sur le personnage de Dark Vador. Si les premiers films montrent un méchant impitoyable, la saga évoque également ses origines. Il apparaît même comme un enfant innocent. Les films suivants permettent de comprendre sa dérive cruelle. L’explication la plus évidente du basculement vers le côté obscur reste l’amour. Anakin scelle un pacte avec le Diable dans le sillage du mythe de Faust. Il rallie Palpatine pour sauver Padmé.

Ce fil mythologique se poursuit puisque, avant de mourir, l’amour d’Anakin donne la vie à deux enfants. Ces nouveaux nés deviendront Luke Skywalker et la Princesse Leïa qui incarnent ensuite la résistance face à l’Empire et à Dark Vador. Le Mal accouche donc de son remède. Ce qui permet également d’atténuer la lecture manichéenne de Star Wars. La saga semble s’appuyer sur de nombreux récits mythologiques et religieux qui reposent sur une figure messianique.

Mais Dark Vador n’apparaît pas uniquement comme une figure banalement démoniaque. Il demeure l’équilibre de la force, celui qui fait basculer le destin de la galaxie. Il joue un rôle décisif à plusieurs titres. Déjà, il est le père des principaux héros qui parviennent à vaincre l’Empire. Surtout, Dark Vador reste tourmenté. Il a aussi été trahi par Palpatine. Il finit par se retourner contre l’Empereur et peut ainsi favoriser la victoire de la résistance. Dark Vador peut donc apparaître comme le véritable « élu » de la prophétie de Star Wars.

 

Mais la lecture politique de Dark Vador reste également précieuse. Anakin semble rejoindre un populisme américain qui annonce Trump et l’évolution de la vie politique. Certes, Palpatine évoque clairement la politique de Bush et du Patriot Act. La guerre et des mesures liberticides sont présentées comme des solutions. Mais Anakin préfigure davantage Trump. Il reste un membre de l’élite sociale avec les Jedi, mais il ne cesse de critiquer la classe politique.

Son discours dénonce l’absence d’actes des dirigeants et se tourne vers les solutions autoritaires les plus évidentes. Anakin rejette les clivages politiques et les divergences d’intérêts de classe. Il ne critique pas la démocratie libérale comme la domination d’une minorité sur l’ensemble de la population. Il dénonce au contraire une classe dirigeante trop passive et pas assez autoritaire. Anakin illustre cette idéologie de la rébellion réactionnaire qui semble s’imposer à la tête de nombreux États. Cette immaturité politique débouche vers un véritable massacre. Ce qui évoque également les guerres actuelles à travers le monde

Björn-Olav Dozo & Dick Tomasovic dévoilent la diversité des interprétations de Star Wars et du personnage de Dark Vador. Cependant, comme dans la plupart des mythes religieux ou culturels, les interprétations et les exégèses sont également multiples. Même si la lecture politique de Dark Vador apporte des éclairages précieux pour comprendre les enjeux soulevés par la saga inter-galactique.

 

Source : Björn-Olav Dozo & Dick Tomasovic, Dark Vador. À feu et à sang, Les Impressions Nouvelles, 2021

 

Articles liés : 

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Pour aller plus loin :

Vidéo : "Dark Vador: À feu et à sang" (Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic) - Auteurs & Compagnie, diffusée par Territoires de la Mémoire le 22 février 2022

Vidéo : Dark Vador - À feu et à sang feat. Björn-Olav Dozo & Dick Tomasovic, diffusée par Microciné Revue de cinéma et de télévision le 28 décembre 2021

Radio : Dark Vador par Dick Tomasovic, diffusée sur le site C'est plus que de la SF le 29 novembre 2021

Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic, La tentation des extrêmes, publié sur le site Aide-mémoire en printemps 2022

Célia Carola, Dark Vador : le noir lui va si mal, publié sur le site L'Envolée Culturelle le 12 mai 2022

Marion Hamard, Dark Vador : exploration d'un mythe moderne,  publié sur le site Geek Tribes le 22 octobre 2021

Philippe Remy-Wilkin, Prométhée post-moderne ?, publié sur le site Le Carnet et les Instants le 1er octobre 2021

Zahra Benasri, Le livre Dark Vador par Björn-Olav Dozo et Dick Tomasovic, publié sur le site Cinergie le 1er décembre 2021

Jonathan Fanara, « Dark Vador, à feu et à sang » : exégèse d’un personnage mythique, publié sur le site LeMagduCiné le 3 octobre 2021

Publié dans #Contre culture

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