Réinventer le mouvement social : édito 30
Publié le 9 Septembre 2017
Le nouveau pouvoir est déjà aux abois. Inutile d'en rajouter davantage. Son début de règne est déjà catastrophique, sauf pour les fans du Medef qui se frottent les mains. Chaque président réussit à être encore plus détesté que son prédécesseur. Et encore plus rapidement. Et encore plus rapidement. Macron en est même réduit à faire appel au comique Bruno-Roger Petit.
Le véritable enjeu se situe donc désormais du côté de la rue. Des journées de grève sont prévues le 12 et le 21 septembre. Les syndicats annoncent une "rentrée sociale" sous leur contrôle pour mieux éviter tout débordement. Les mêmes que ceux qui prétendaient vouloir en découdre en septembre 2016 peuvent très bien enterrer le mouvement avant son émergence.
Mais la colère sociale peut également sortir de la résignation et de la frustration. Mais, pour répandre des pratiques de lutte et d'action directe, il faut tirer un bilan critique du mouvement de 2016. Tout attendre des directions syndicales revient à se résoudre à l'impuissance. Le pitre Mélenchon l’a bien compris puisqu’il appelle à un rassemblement à sa gloire pour détourner l’enjeu social sur le terrain politicien. Les mouvements sociaux encadrés par la CGT semblent définitivement toucher à leur fin. Les syndicats sont exsangues, tant mieux. A condition d'inventer de nouvelles formes de lutte, en dehors des pesanteurs bureaucratiques et des vieilles hiérarchies des partis et des syndicats.
Le mouvement social de 2016 apparaît comme un frémissement. Il faut accepter de se débarrasser des certitudes militantes, gauchistes, syndicales avec leurs vieux schémas dépassés depuis longtemps. Il faut s'appuyer sur les désirs de dépassement de l'ordre existant qui peuvent s'esquisser. Le cortège de tête, qui encourage action directe et spontanéité, pourrait prendre la relève. A condition de ne pas rester une bulle d'agitation déconnectée des lieux de vie et de travail. Un rejet des partis traditionnels pour exprimer des formes d'auto-organisation peut exister dans Nuit debout. Encore faut-il se débarrasser du baratin citoyenniste et de la gangue du formalisme pour se tourner vers la lutte sociale.
Il est aussi malheureusement probable qu'aucun mouvement social d'ampleur n'éclate dès le 12 septembre. Il ne faut pas sombrer dans la simple résignation ou dans l'attentisme de la proche date syndicale. Cette période de basse conflictualité doit permettre de construire de nouvelles structures d'organisation pour sortir de l'isolement, d'impulser des luttes à la base en dehors des directions syndicales, d'analyser les mouvements passés pour éviter de se heurter aux mêmes limites.
Ce numéro revient sur les nouvelles pensées critiques. Au-delà des intellectuels à la mode, il semble important de penser les évolutions de la société capitalisme. Sophie Wanich s'appuie sur ses recherches historiques pour donner des perspectives aux luttes actuelles. Malgré certaines limites, sa réflexion permet de relier théorie et pratiques.
La pensée critique peut également se nourrir des révolutions historiques. les anarchistes de la fin du XIXe siècle ont inventé l'imaginaire du Grand Soir. Ce désir de rupture avec la société marchande s'exprime également à travers le communisme libertaire espagnol. Les luttes sociales doivent permettre d'inventer un autre monde. La Révolution russe apparaît comme un moment de bouleversement de l'ordre social. Les classes populaires ont renversé le tsar et ont tenter de détruire l'ordre capitaliste.
La culture underground nourrit le désir de contestation. Les contre-cultures à la française semblent diverses et foisonnantes. Le journaliste Guy Hocquenghem reste une figure emblématique de la révolte des années 1968. Il incarne également le mouvement de libération sexuelle qui secoue la France et attaque l'ordre moral.
Les cultures populaires permettent également de critiquer le racisme. Les musiques jamaïcaines dénoncent l'esclavage, puis le racisme et la misère. Le cinéma américain des années Obama propose également un regard critique sur l'histoire de la ségrégation et sur les inégalités actuelles.
La pensée critique et les contre-cultures peuvent nourrir les luttes à venir. La colère sociale doit s'accompagner d'un désir de rupture avec l'ordre existant pour sortir des discours tristement réformistes. Un bouillonnement social et culturel peut déboucher vers un renversement de la civilisation marchande.
Sommaire :
Les nouvelles pensées critiques
La démocratie républicaine de Sophie Wahnich
L’imaginaire libertaire du Grand Soir
Le communisme libertaire en Espagne
Une histoire de la révolution russe
Les contre-cultures françaises
Le journalisme de Guy Hocquenghem
La libération sexuelle en France