Les anarchistes à Barcelone

Publié le 29 Septembre 2021

Les anarchistes à Barcelone
Barcelone apparaît comme une des capitales de l'anarchisme. Mais cette mouvance ne se réduit pas au folklore noir et rouge de la CNT. L'anarcho-syndicalisme s'implante surtout à travers des pratiques d'action directe et de solidarité de quartiers. La multiplication des grèves et des révoltes débouche vers l'insurrection de 1936. 

 

La révolution espagnole de 1936 apparaît comme la plus grande explosion de révolte et de créativité ouvrière au XXe siècle. Ce mouvement d’inspiration anarchiste reste peu connu. Barcelone devient la capitale industrielle d’une révolution sociale et libertaire. La plupart des historiens se focalisent sur la guerre civile ou sur les dirigeants de la CNT, l’organisation anarcho-syndicaliste. Edward P. Thompson insiste au contraire sur une histoire « par en bas », du point de vue des gens ordinaires.

L’historien Chris Ealham reprend cette démarche. Il s’attache à recréer le monde social et la culture quotidienne des anonymes et des dépossédés qui se saisissent de l’anarcho-syndicalisme pour défendre leurs intérêts. Les intentions et la rationalité de la protestation sociale permettent de souligner l’importance de l’action collective dans l’histoire.

Henri Lefebvre observe que les luttes sociales transforment également l’espace, et pas uniquement la société. L’histoire sociale des dépossédés doit donc s’inscrire dans un espace. Des luttes sont menées sur les lieux de travail. Mais il existe également des luttes de quartiers, comme les mouvements de chômeurs et les grèves de loyers. La contestation apparaît comme un produit des quartiers ouvriers de Barcelone. Chris Ealham retrace cette histoire dans le livre Les anarchistes dans la ville.

 

                                       couverture

 

Ville ouvrière et anarchiste

 

Barcelone se développe comme le cœur industriel de l’Espagne. Au début du XXe siècle, les patrons font appel à une main-d'œuvre qui ne provient pas de Catalogne mais de régions rurales en Espagne. Mais les logements pour abriter ces nouveaux travailleurs migrants ne sont pas construits. Le quartier ouvrier du Raval devient rapidement surpeuplé. Les conditions de logement semblent particulièrement rudimentaires. Les capitalistes et les prolétaires sont progressivement entassés dans des quartiers distincts. Les grèves et l’insurrection urbaine de 1909 traumatisent la bourgeoisie. Les capitalistes tiennent à distinguer le bon ouvrier obéissant et travailleur des prolétaires irresponsables et incontrôlables. Le quartier du Raval est particulièrement redouté, avec ses ouvriers migrants et ses cabarets. La bourgeoisie effrayée par les possibilités de révoltes défend avant tout la loi et l’ordre.

Les conditions de vie de la classe ouvrière restent particulièrement difficiles à Barcelone. Les accidents du travail sont nombreux, les salaires sont faibles, les loyers et les prix ne cessent d’augmenter. Mais une solidarité se développe au sein de la famille ou entre voisins. La rue, les bars et les cafés favorisent également une sociabilité ouvrière. « Ces liens de classe forts favorisèrent l’émergence d’une conscience de classe qui recouvrit toutes les autres identités », observe Chris Ealham. Une culture contestataire se développe, avec des rassemblements devant les maisons des commerçants et des propriétaires impopulaires. La criminalité et des pratiques illégales permettent également de survivre. La population reste opposée à l’Etat et à sa police qui sont au service des classes aisées. Les quartiers deviennent des espaces quotidiens de contestation de l’ordre dominant.

Dès la fin du XIXe siècle, le communisme libertaire se diffuse à Barcelone. Des groupes affinitaires développent des pratiques d’action directe. « Ils favorisèrent l’émergence d’une culture de résistance à la valeur travail et à tous les miroirs aux alouettes de la société capitaliste », indique Chris Ealham. Mais ces groupes apparaissent comme un milieu bohème marginal et isolé du reste de la classe ouvrière. Néanmoins, dès le début du XXe siècle, se construit l’anarcho-syndicalisme. En février 1902, une série de grèves débouche vers une grève générale. La CNT (Confédération nationale du travail) apparaît comme une structure souple et décentralisée. Ses activités sont ancrées dans les réseaux de sociabilité des quartiers. La CNT refuse la formation d’une bureaucratie centralisée. Elle favorise les débrayages à la base et la solidarité entre les sections locales. Elle développe des pratiques comme le piquet de grève actif, qui implique le blocage et le sabotage pour empêcher les jaunes d’aller travailler.

 

L’anarcho-syndicalisme s’appuie sur la sociabilité traditionnelle et la culture ouvrière des quartiers. Même si la CNT développe une forme de protestation plus moderne et disciplinée. Les assemblées de base et le refus de toute intégration dans les structures politiques bourgeoises et étatiques expriment cette culture ouvrière qui se retrouve dans la CNT. La politique apparaît comme incapable de résoudre les problèmes du quotidien. Ce qui rend l’action directe plus attirante.

La CNT se développe en 1918, avec une vague d’adhésions. Une grève éclate dans une entreprise anglo-américaine en 1919. Elle provient d’un banal débrayage pour s’opposer au licenciement de militants de la CNT. Par solidarité, la grève se propage dans les autres entreprises. L’Etat impose une forte répression. Mais les ouvriers associent la grève à des pratiques de sabotage. Ils décident de couper l’électricité. Ce qui paralyse les industries de Barcelone et rend difficile les patrouilles militaires. Les autorités obligent la direction de l’entreprise à céder aux revendications de la CNT : augmentation des salaires, paiement des jours de grèves et abandon de sanctions contre les grévistes. Pour empêcher de nouveaux conflits, le gouvernement légifère sur la journée de huit heures dans l’industrie.

Un espace public ouvrier se forme de manière autonome. Il exprime sa propre culture libertaire, avec ses ateneus. Mais cet espace ouvrier se heurte à la sphère bourgeoise de Barcelone qui refuse toute forme de compromis. La répression et les milices patronales empêchent l’activité syndicale. Des « groupes d’action » se forment alors pour soutenir les militants de la CNT. Ces groupes mettent la pression sur les patrons et les membres de leurs milices. Ils organisent des expropriations pour financer les frais de justice liés à la répression, à travers des braquages de banques ou d’entreprises. Ces groupes méprisent la stratégie gradualiste de l’anarcho-syndicalisme. Ils privilégient la guérilla urbaine et l’insurrection. Mais ils restent minoritaires et uniquement défensifs. Les groupes armés ne développent aucune perspective de transformation sociale et politique. Mais la CNT ne parvient pas non plus à mobiliser la masse des ouvriers pour s’opposer au coup d'État militaire de Primo de Rivera.

 

                  

 

Grèves et luttes de quartiers sous la République

 

Le régime républicain reste hostile à l’égard des classes populaires. Il ne cesse de réprimer la délinquance et la protestation sociale. Une « république de l’ordre » s’impose à travers un renforcement de la police et des politiques sécuritaires. Cependant, la CNT soutient la création de la République. L’anarcho-syndicalisme propose une stratégie révolutionnaire qui repose sur la construction lente et patiente d’une organisation capable de gérer l’économie. La CNT s'accommode d’une République qui n’empêche pas le développement du syndicat, dans une forme de coexistence réformiste. La CNT appelle à défendre la République contre les risques de restauration de la monarchie.

En revanche, le groupe Nosotros privilégie la stratégie insurrectionnelle. Une minorité doit mener des actions armées pour entraîner les masses vers la révolution. Bien que peu influent, le groupe Nosotros parvient à créer au sein de la CNT des formations paramilitaires pour défendre le syndicat face à l’Etat et aux patrons. Cette structure parallèle apparaît comme « une avant-garde qui devait encadrer la révolution », selon le militant Antonio Ortiz. Mais même ces activistes refusent de critiquer la République.

Durant l’été 1931 se multiplient les grèves et même les occupations d’usines. Les conditions de vie restent difficiles avec le chômage, l’augmentation des prix des aliments de base et des loyers. Le gouvernement décide également d’augmenter les prix des transports. La CNT, ouverte et décentralisée, reste à l’écoute de la colère populaire. Le gouvernement républicain veut favoriser le syndicat socialiste de l’UGT et la collaboration de classe dans les entreprises.

Pourtant, la direction de la CNT refuse toujours de rentrer en conflit avec la République. Mais des sections locales lancent des grèves. Ces conflits renforcent la solidarité de quartier. Surtout, les blocages des entreprises avec des piquets de grève permettent de faire plier les patrons. Ces victoires par l’action directe permettent à la CNT de se développer. « Les effectifs de la CNT dépendaient donc étroitement de sa capacité à se battre, et à gagner parfois, contre la bourgeoisie », souligne Chris Ealham. Le gouvernement réprime les occupations d’usine, mais aussi les distributions de tracts et les assemblées syndicales.

 

Les chômeurs développent des pratiques d’action directe, pas toujours soucieuses du légalisme. Par exemple, ils réquisitionnent des produits alimentaires dans les boulangeries et les épiceries. Des groupes de chômeurs se coordonnent également pour braquer des magasins et des entrepôts pendant la nuit. Plus généralement, la criminalité permet à des pauvres de survivre en détroussant des bourgeois. La CNT développe également les grèves de loyers qui permettent de protester contre le coût du logement.

Face à la répression des grèves et des manifestations, la CNT se radicalise. La tendance des modérés, incarnée par le manifeste des Trente, devient minoritaire. Elle est même marginalisée au sein de la direction de la CNT. Les anarcho-syndicalistes semblent éloignés des intérêts des chômeurs. Ils se contentent d’un programme réformiste d’arrêt des licenciements et de réduction du temps de travail. « La conception anarcho-syndicaliste de la dignité prolétarienne était pour ainsi dire une version radicale de la vision bourgeoise du "bon ouvrier", un salarié "honorable" qui ne vivait que de son travail », observe Chris Ealham. Les modérés de la CNT dénoncent les pratiques illégalistes et les insurrections urbaines.

En revanche, une contre-culture anarchiste valorise la criminalité et le vol comme des attaques contre la loi, la propriété et l’ordre existant. Mais les anarchistes radicaux restent avant-gardistes et sectaires. Ils valorisent la propagande par le fait, avec des actions minoritaires censées réveiller les masses. Ensuite, ils tentent de récupérer les grèves de loyers sous leur seule bannière idéologique. Ils n’hésitent pas à exclure des ouvriers de tendance marxiste plutôt que de construire une lutte unitaire. Ces anarchistes restent convaincus de pouvoir faire la révolution tout seuls.

En janvier 1932 éclate une vague de grèves à Figols. Mais la CNT ne parvient pas à étendre le mouvement à Barcelone. Cet échec, suivi par la répression, accentue les divisions entre modérés et radicaux. Cette ambiance débouche vers une diminution des effectifs du syndicat. En janvier 1933 est tenté un putsch insurrectionnel. Mais les anarchistes semblent davantage s’appuyer sur leur force militaire plutôt que sur un puissant mouvement de grève capable de bloquer l’économie. Malgré des révoltes locales dans des quartiers ouvriers, l’insurrection échoue. Les anarchistes restent moins armés, et même moins nombreux, que les forces de police.

                  

 

 

Insurrections et déclin de l’anarchisme

 

Les échecs des grèves face à un patron intransigeant renforcent les groupes de lutte armée. Des bombes sont posées dans les entreprises qui licencient. Des patrons et même des syndicalistes de l’UGT sont assassinés en pleine rue. Mais ces actions minoritaires traduisent le déclin de la CNT comme force collective bien plus qu’elles n’annoncent la montée d’une vague insurrectionnelle. De même, la répression, les grèves et la solidarité avec les prisonniers épuisent les finances de la CNT. Les concerts de soutien et les collectes dans la rue subissent la répression. La diminution des effectifs réduit le montant des cotisations syndicales. Pour financer le mouvement, les expropriations se multiplient avec le racket de patrons et les braquages.

La stratégie de guérilla de Nosotros et des groupes armés reste contestée par la CNT. D’autres anarchistes estiment que les actions doivent être discutées dans les assemblées syndicales. D’autant plus lorsque la répression menace les activités de la CNT. Surtout, d’autres militants révolutionnaires insistent sur la stratégie de la grève générale insurrectionnelle qui privilégie un soulèvement de masse et un blocage de l’économie.

En 1934, une insurrection ouvrière éclate dans les Asturies. Une Alliance ouvrière regroupe des anarchistes et des marxistes. Pendant deux semaines, ce mouvement tient en respect l’armée espagnole et prend le contrôle des moyens de production. En revanche, à Barcelone, la CNT reste isolée et sectaire avec un refus d’alliance avec les autres forces sociales. Pire, la CNT appelle les ouvriers à reprendre le travail. Ce qui empêche le mouvement des Asturies de se propager à Barcelone et dans le reste de l’Espagne. « Les radicaux catalans restèrent donc à l’écart de la révolution qu’ils avaient si longtemps souhaitée, un soulèvement infiniment plus important que les putschs de 1932-1933 », déplore Chris Ealham. Cette période correspond à un déclin de l’anarcho-syndicalisme.

 

En 1936, les militants de la CNT ont bien anticipé le coup d'État militaire. Ils ont réquisitionné des armes et ont pris le contrôle des rues à travers des barricades. Ils sont même parvenus à occuper le siège de la radio et à s’emparer du central téléphonique. De leur côté, les militaires sont restés isolés dans leur caserne. Cette résistance populaire ne repose pas uniquement sur les groupes anarchistes. Les communistes dissidents du POUM (Parti ouvrier d’unification marxiste) jouent également un rôle important. Mais la CNT apparaît comme la plus grande force armée. Néanmoins, les anarchistes ne veulent pas détruire l’Etat pour le remplacer par des structures révolutionnaires, à l’image des soviets qui surgissent pendant la révolution russe. La CNT participe même à un Comité interclassiste qui gère l’Etat républicain avec les vieux politiciens.

Une révolution urbaine par le bas se développe. Les barricades reposent surtout sur l’esprit de solidarité et d’autonomie de la communauté des quartiers. Les pratiques de lutte et la culture qui se sont développées à Barcelone permettent de reprendre le contrôle de la ville. Lorsque la CNT appelle à la reprise du travail, seules quelques barricades sont enlevées. Mais la plupart restent en place. Surtout, les ouvriers s’emparent des usines et des lieux de production de manière spontanée. Cependant, Michael Seidman montre que l’idéologie productiviste des dirigeants de la CNT limite les initiatives de réappropriation du lieu de travail et de la production. Les ouvriers s’emparent également de l’espace urbain. Des immeubles sont occupés et transformés. Par exemple, un hôtel de luxe devient une cantine populaire. Un dancing est même transformé en école, conformément au moralisme anarchiste.

Cependant, les anarchistes ne proposent aucune perspective révolutionnaire. Les initiatives locales ne parviennent pas à se coordonner. Pire, les anarchistes collaborent avec l’Etat bourgeois au nom de l’unité antifasciste. En 1937, des affrontements éclatent entre les comités révolutionnaires et le pouvoir républicain. Franco finit par écraser le mouvement à coups de bombardements de la ville ouvrière.

 

   Consecuencias de un bombardeo de la aviación italo-alemana, que ocasionó más de mil víctimas civiles

  

Mouvement anarchiste et pratiques de lutte

 

Chris Ealham propose un livre incontournable pour comprendre l’histoire de l’anarchisme à Barcelone. Une volumineuse littérature se focalise sur les événements de la guerre civile espagnole de 1936. Chaque rebondissement y est décrit avec minutie. Les militants anarchistes commémorent sans recul critique. D’autres tentent de percevoir dans tel ou tel moment les raisons d’une défaite sur le plan militaire. Le livre de Chris Ealham jette un regard sur l’anarchisme et son évolution, bien avant la révolution de 1936. Ce qui permet d’observer et d’analyser les contradictions et les limites qui traversent le mouvement anarchiste.

Chris Ealham se démarque d’une histoire qui se focalise sur les faits d’armes de l’anarcho-syndicalisme. Son livre ne vise à commémorer et à célébrer les grandes figures de l’anarchisme. Au contraire, il s’inscrit dans la démarche d’E.P.Thompson avec son histoire par en bas. Ce ne sont pas les grands hommes, même anarchistes, qui font l’histoire. Ce sont les gens ordinaires et leurs pratiques de luttes qui permettent de changer la société.

Chris Ealham montre que la force de l’anarchisme ne repose pas sur une puissante organisation capable de recruter des militants pour déclencher une insurrection à tout moment. Loin du mythe anarcho-syndicalisme, ce sont les pratiques de lutte, les grèves et l’action directe qui permettent à la CNT de se renforcer. Et non une puissante CNT qui dirige des luttes depuis sa direction lucide et infaillible. Pire, les dirigeants de la CNT semblent souvent vouloir freiner des révoltes spontanées qui leur échappent. Même si ces luttes sont impulsées par leurs propres militants.

 

Chris Ealham évoque peu les limites théoriques de l’anarcho-syndicalisme. Cet aspect idéologique n’est effectivement pas central. Ce sont bien plus les luttes sociales que le monde des idées qui semblent décisives pour transformer la société. Néanmoins, Michael Seidman et Les Giménologues permettent d’analyser les limites du dogme anarcho-syndicaliste. La direction de la CNT reste engluée dans le mythe saint-simonien de remplacer l'État par « l’administration des choses ». Cette idéologie permet de remettre en cause l’Etat avec sa hiérarchie, son autoritarisme et son arbitraire.

Mais l’anarcho-syndicalisme s’inscrit dans une approche scientiste qui est censée permettre de gérer la société de manière juste et rationnelle. La CNT doit prouver qu’elle est capable de mieux gérer la société que les capitalistes. Ce qui débouche vers un encadrement de la classe ouvrière et un dogme productiviste. La satisfaction des besoins et l’épanouissement individuel ne sont pas pris en compte. La créativité et la réappropriation de la production restent bridées. Ce qui limite l’adhésion de la population à la révolution anarchiste.

 

Chris Ealham propose des réflexions pertinentes sur la « gymnastique révolutionnaire ». Le groupe Nosotros et les anarchistes insurrectionnalistes analysent l’importance des révoltes pour renforcer la conscience révolutionnaire. Mais ces militants ont tendance à reproduire le modèle de l’avant-garde minoritaire qui prétend réveiller les masses par des coups d’éclat. Au contraire, Chris Ealham souligne l’importance de la généralisation des pratiques d’action directe.

Une grève de masse permet de diffuser des idées et des réflexes de lutte, bien davantage qu’un braquage ou une attaque à l’explosif. La classe ouvrière ne doit pas se contenter d’admirer les exploits des anarchistes. Au contraire, elle doit directement participer à la lutte et créer ses propres organes d’auto-organisation. Le groupe Nosotros et la propagande par le fait peuvent s’apparenter à une action directe par procuration et par délégation.

 

Les deux orientations stratégiques de l’anarchisme espagnol semblent échouer. La direction de la CNT valorise la construction progressive de l’organisation anarcho-syndicaliste. Ce qui peut déboucher vers une limitation des luttes pour ne pas se fâcher avec un pouvoir qui se présente comme bienveillant. Une fois que la CNT regroupe l’ensemble de la classe ouvrière espagnole, la révolution pourra être déclenchée.

Les insurrectionnalistes et les groupes de lutte armée affirment au contraire un immédiatisme. La guérilla urbaine et les actions minoritaires doivent suffire à entraîner les masses dans la révolution. Ce modèle échoue très souvent malgré de très nombreuses tentatives. Surtout, cette approche alimente une militarisation de l’anarchisme avec des petits chefs qui prétendent diriger les masses pour les conduire à l'assaut.

Chris Ealham semble montrer que la plupart des anarchistes ne semblent pas rentrer dans ces deux moules stratégiques imposés par leurs dirigeants. Dans les luttes du quotidien, les solidarités de quartier et l’unité de la classe ouvrière priment sur les divergences idéologiques. Les pratiques de lutte avec les grèves, les blocages de routes et les occupations peuvent ensuite se généraliser pour déclencher une révolution sociale et libertaire.

 

Source : Chris Ealham, Les anarchistes dans la ville. Révolution et contre-révolution à Barcelone (1898-1937), traduit par Elsa Quéré, Agone, 2021

 

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Pour aller plus loin :

Radio : 80 ans après, une histoire de la révolution espagnole (1936-1939) - avec Les Giménologues, émission publiée sur le site Sortir du capitalisme

Alain Segura, Recension publiée sur le site des Giménologues

Ernest London, Note de lecture publiée sur le site Lundi matin le 1er juillet 2021 

Sylvain Boulouque, Anarchistes d’Espagne, en ville et en exil, publié sur le site de l'Ours le 12 juillet 2021


Chris Ealham | BARCELONE contre ses Habitants, publié sur le site Laboratoire Urbanisme insurrectionnel

Jean-Pierre Garnier, Barcelone contre ses habitants. 1835-1937, quartiers ouvriers de la révolution, publié sur la revue en ligne Divergences


1936 : L’Espagne entre guerre et révolution, publié dans le journal Alternative Libertaire de juillet-août 2016

De la "lutte pour Barcelone à l' "éloge du travail". L'anticapitalisme des anarchistes et des anarcho-syndicalistes espagnols des années 1930, publié sur le site Palim-psao le 30 janvier 2013

Helmut Wagner, L'anarchisme et la Révolution espagnole, 1937, publié sur le site La Bataille socialiste

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