Lutter dans un contexte de crise : édito n°44
Publié le 11 Novembre 2020
Nouveau confinement, état d'urgence, attentats, union nationale, chape de plomb raciste et sécuritaire : l'ambiance n'est plus aux éditos débordant d'optimisme. Le « monde d'après » raisonne comme une gueule de bois. Le cycle de lutte à travers le monde semble s'essouffler, voire se refermer. Une constitution et des promesses qui n'engagent que ceux qui y croient suffisent à écraser la puissante révolte au Chili. Même si d'autres soulèvement peuvent jaillir, avec des grèves sauvages qui peuvent déborder des cadres réformistes et vulgairement démocratiques.
En France, l'effondrement du mouvement des Gilets jaunes laisse place aux débats médiatiques les plus nauséabonds. Mais la situation reste explosive. Moins que dans des pays avec peu d'amortisseurs sociaux et avec une économie informelle importante. Mais la lutte des classes va reprendre ses droits, avec les licenciements collectifs qui se dessinent. Dans des secteurs comme l'aéronautique, la pandémie risque de provoquer des ravages économiques. La gauche pleurnicharde et des syndicats risquent de ne pas avoir grand chose à dire. Le discours gauchiste qui dénonce les licenciements des entreprises qui font du profit n'a jamais autant sonné creux. Mais, même au cœur de la tourmente, les exploiteurs et les exploités n'ont pas les mêmes intérêts. La sauvegarde de l'entreprise au prix d'une réduction des salaires n'est qu'une vieille arnaque trop usée. Les travailleurs devront accepter une baisse de salaire et seront quand même licenciés.
Ce contexte fait songer aux vagues de licenciements qui ont suivi la crise économique de 2008. Des luttes victorieuses sont parvenues à s'arracher du carcan de la gauche syndicale. Il serait pertinent de se replonger dans des grèves comme celle de PSA-Aulnay, avec des pratiques d'auto-organisation et de solidarité inter-professionnelle. Ensuite, ses luttes doivent sortir du carcan de la gauche syndicale qui mène à l'échec, comme avec la grève à Nokia. La revendication de la sauvegarde des emplois respire toute cette vieille gauche qui ne comprend rien aux mutations du salariat. La défense du travail érigé en idéal absolu se mêle à l'illusion gestionnaire. Les syndicats et les sectes gauchistes ne cessent de se tourner vers l'Etat pour trouver une solution. La défense de l'entreprise peut également primer sur la lutte collective. C'est évidemment aux travailleurs eux-mêmes de décider de leur avenir.
Ensuite, les lois Travail et autres ordonnances Macron ont limité les possibilités de riposte sur le terrain juridique. Les syndicats et leurs recours pour licenciement abusif se retrouvent dans les poubelles de l'histoire. La grève, l'auto-organisation, la coordination entre secteurs en lutte et l'élargissement du mouvement restent les seules possibilités de victoire. Mais tous les conflits dans les entreprises doivent être soutenus. Dans tous les secteurs se joue l'affrontement entre les prolétaires et le patronat. La moindre victoire donne des idées et de la force à l'ensemble de la classe des exploités. Des grèves offensives peuvent également émerger, comme à Onet-Airbus. Les victoires dans le secteur de la sous-traitance et du nettoyage brisent le discours résigné sur les limites de la lutte dans un monde du travail précarisé et morcelé. Ces grèves doivent se généraliser pour dessiner un « monde d'après » un peu ambitieux.
Ce numéro s'ouvre sur une série d'articles sur les luttes au Magreb. Un panorama des luttes des femmes ouvre des perspectives dans le sillage du "Printemps arabe" de 2011. Les luttes des diplômés chômeurs au Maroc montrent les difficultés pour s'organiser dans un contexte de régime autoritaire. Mais aussi la dimension explosive de la misère et des inégalités sociales. C'est évidemment en Algérie que la situation reste actuellement la plus bouillonnante. Le Hirak est parvenu à attaquer un régime militaire. Les femmes et la jeunesse se politisent dans le cadre de ce mouvement de révolte. Mais il semble également important d'analyser les forces et les faiblesses d'une insurrection populaire.
Ensuite, ce numéro évoque des sujets en apparence plus légers. La musique underground se diffuse pour sortir de la marge. Le rock alternatif rythme la contestation de la jeunesse dans les années 1980. La techno de Détroit exprime la créativité des classes populaires, avant de devenir une culture largement diffusée et marchandisée. La libération sexuelle permet de remettre en cause le patriarcat. L'anarchisme individualiste attaque les contraintes sociales, mais propose un modèle qui semble un peu figé. La recherche de la jouissance féminine repose sur une réappropriation du corps et des désirs contre les cadres figés. Ce qui débouche vers un féminisme des salopes qui assument leur liberté et leurs désirs. Cette démarche doit ouvrir la perspective d'une révolution sociale et sexuelle.
Sommaire n°44 :
Maghreb en lutte
Luttes des diplômés chômeurs au Maroc
Mouvement de révolte en Algérie
L'insurrection du peuple algérien
Musique underground
Féminisme et libération sexuelle
Émile Armand et l'anarchisme amoureux