Sites de rencontres et misère sexuelle
Publié le 8 Juillet 2013
Stéphane Rose évoque les sites de rencontres qui reflètent la société moderne, avec la destruction des relations amoureuses et sexuelles.
Les sites de rencontres ne sont plus réservés aux loosers incapables de séduire dans le monde réel. Avec l’essor des réseaux sociaux, la drague on-line devient même un phénomène chic et branché. L'écrivain Stéphane Rose s’attache à déconstruire le mythe d’une libération amoureuse et sexuelle à travers internet. Son dernier livre est publié aux éditions La Musardine qui diffusent des textes érotiques. Leur catalogue introduit l’idée selon laquelle la société serait plus libérée sexuellement avec des femmes qui se masturbent sans honte et des individus qui peuvent expérimenter un plaisir érotique et ludique. Mais pour une fois, c’est la misère sexuelle qui devient le sujet du livre.
http://www.linternaute.com/
Stéphane Rose évoque les sites de rencontres qui reflètent la société moderne, avec la destruction des relations amoureuses et sexuelles.
Les sites de rencontres ne sont plus réservés aux loosers incapables de séduire dans le monde réel. Avec l’essor des réseaux sociaux, la drague on-line devient même un phénomène chic et branché. Stéphane Rose http://stephanerose.com/ s’attache à déconstruire le mythe d’une libération amoureuse et sexuelle à travers internet. Son dernier livre est publié aux éditions La Musardine http://www.lamusardine.com/P13557-misere-sexuelle.com-rose-stephane.html qui diffusent des textes érotiques. Cette démarche introduit l’idée selon laquelle la société serait plus libérée sexuellement avec des femmes qui se masturbent sans honte et des individus qui peuvent expérimenter un plaisir érotique et ludique. Mais pour une fois, c’est la misère sexuelle http://zones-subversives.over-
Désert existentiel et misère sexuelle
Stéphane Rose observe le développement considérable des sites de rencontres en quelques années. Comme pour facebook http://zones-subversives.over-
Mais le marketing des sites de rencontres contribue également à renforcer cette idée. Dans la réalité, seul 1 % des couples se forment à travers internet. La rencontre virtuelle n’est pas très démocratique. D’une part, les sites demeurent payants. D’autre part, les règles de la séduction http://zones-subversives.over-
Ensuite, ceux qui rencontrent une personne restent abonnés. Ses sites introduisent un rapport addictif, compulsif et consumériste à la rencontre numérique. Les sites de rencontres contribuent à façonner et à illustrer l’amour moderne http://zones-subversives.over-
La réflexion sur les sites de rencontres renvoie à une expérience humaine et éclairent les difficultés de l’amour moderne. « Les sites de rencontres nous parlent d’amour et de sexe, c’est-à-dire de libido, de narcissisme et de névroses, bref de choses très intimes et profondément humaines », souligne Stéphane Rose. L’auteur s’appuie donc sur son expérience personnelle et sur de nombreux témoignages.
Malgré un marketing tapageur, les sites de rencontres ne permettent pas toujours de trouver l’amour. De nombreuses personnes désespérées et qui ne maîtrisent pas les règles de la séduction pensent trouver la solution dans le monde numérique. « On y trouve pêle-mêle et dans les deux sexes des moches, des gros, des ternes, des analphabètes, des crétins, des méchants, des gens sans imagination, sans humour, sans univers personnel, parfois tout ça en même temps », décrit Stéphane Rose. Les rencontres ne sont pas plus faciles dans les réseaux sociaux. Le marché de la séduction semble tout aussi codifié et inégalitaire. Seuls les bons produits, beaux et performants, peuvent trouver un débouché amoureux. « Lorsqu’on ne séduit pas dans le réel, on ne séduit pas non plus dans le virtuel », précise Stéphane Rose.
http://www.meeticvip.fr/misc/
Marché de l’amour et séduction
Dans une société capitaliste, l’amour demeure inégalitaire. Les rencontres restent endogames et chacun reste assigné à son milieu social. Les possibilités de rencontres ne sont pas plus ouvertes sur internet. « Derrière l’utopie amoureuse qu’essaye de nous vendre les sites de rencontres se cache une intéressante métaphore du système capitaliste qui profite à une poignée de privilégiés (les mieux côtés sur le marché de la séduction) qui se rencontrent facilement et rapidement pendant que les autres, bien moins côtés, gaspillent du temps et de l’énergie pour des rencontres aléatoires et fastidieuses », résume Stéphane Rose. Et les plus exclus ne parviennent même pas à se payer un abonnement au prix élevé de 30 euros par mois.
Les témoignages recueillis révèlent le désespoir et toute l’ampleur de la misère affective et sexuelle présente sur les sites de rencontres. Le monde de l’amour numérique reflète également toute la médiocrité humaine.
Une égalité entre hommes et femmes s’observe également. La jolie femme peut, sans payer, rencontrer de nombreux hommes et sera assaillie de sollicitations. Sur les sites de rencontres comme dans le monde réel, l’homme propose et la femme dispose. « Je constate juste un schéma global de demande masculine soumise à l’offre féminine », décrit Stéphane Rose. La création d’un profil féminin déclenche de nombreuses convoitises, contrairement aux profils masculins. Stéphane Rose n’hésite pas à évoquer « tous ses gens pas beaux, pas intelligents, pas drôles qu’on aime tant railler ou détester selon l’humeur dans laquelle on se trouve, tous ses gens dont on supprime les messages sans les avoir lus, en une fraction de seconde, pour privilégier le mail du beau-mec-sexy-et-un-peu-philos
En plus de l’inégalité entre hommes et femmes, assumées par le site Adopte un mec, les rencontres virtuelles reflètent les inégalités sociales. Le site Attractive World est spécialement réservé aux jeunes cadres branchés et dynamiques. Même si ce site reflète la même médiocrité humaine que ses concurrents. Mais le client doit remplir une fiche, avec ses goûts et ses loisirs, pour ensuite être sélectionné par les utilisateurs du site. Meetic répond en créant un nouveau site : Meetic VIP, « nouvel espace de rencontres, sélect et privé, dédié aux célibataires exigeants et modernes » selon l‘annonce du site. Le Meetic standard reste donc réservé aux ringards peu exigeants. Les sites de rencontres adoptent un double discours. D’un côté l’amour est accessible à tous et, de l’autre, des espaces élitistes exclus ceux qui ne sont pas conformes au modèle du cadre moyen.
Surtout, sur Attractive World, le critère de l’exigence demeure financier. Le charme, l’humour, la culture, la sensibilité ne rentrent pas dans les critères de l’exigence sans des revenus financiers importants. « Exigeant semble vouloir dire ici friqué, beau, looké et mince… Mort aux faibles… », résume une correspondante de l’auteur. Chaque profil se conforme à la norme insipide et sans personnalité de l’existence moderne. Stéphane Rose se demande même « où se cache la foldingue excentrique, la pin-up délurée, la fashionista rock’ n’roll, la littéraire libertaire, la féministe pro-sexe, bref les filles que j’aime ? ».
http://frenchweb.fr/levee-de-
Conformisme social et amour standardisé
Face à l’exclusion amoureuse et à la misère sexuelle, le mensonge devient le seul recours. Les utilisateurs des sites de rencontres n’hésitent pas à mentir sur leur âge, diffusent des photos retouchées sur photoshop. Ils peuvent aussi mentir sur leur poids et même sur leur couleur de peau. Le métier fait également l’objet de dissimulations.
Certains utilisateurs peuvent mentir sur leur situation familiale. Des individus qui vivent en couple n’hésitent pas à se présenter comme célibataires sur internet.
Des personnes s’inscrivent également pour se rassurer sur leur potentiel de séduction, mais sans envisager la moindre relation amoureuse ou sexuelle. Dans une démarche narcissique, ses utilisateurs tentent de se rassurer sur leur capacité à plaire et à susciter encore du désir. Ses différents mensonges débouchent vers une perte de temps considérable.
Pour ceux les personnes qui ne sont pas dévalués sur le marché de la séduction, les sites de rencontres réservent la même misère affective et sexuelle.
Ses sites sont conçus comme des vastes supermarchés avec des consommateurs qui recherchent des produits humains selon des critères précis. Le site Sugar Daddy incarne ce cynisme marchand. « Vous êtes un homme à l’aise dans la vie ? Vous êtes quelque un d’occupé et aimez les jeunes femmes attirantes et ambitieuses ? Vous êtes une jeune femme qui veut se faire dorloter ? Vous cherchez un partenaire mûr et élégant qui vous gâte », présente la page d’accueil de Sugar Daddy.
Les autres sites de rencontres ne se limitent pas à un seul critère. Mais les utilisateurs recherchent d’autres personnes, comme des produits formatés qui se conforment à plusieurs critères. Cette conception de la rencontre supprime toute forme de surprise, de spontanéité et d‘ouverture à l’imprévu. Sur les sites, les individus deviennent interchangeables. « Résultat : on rencontre comme on consomme. Tout doit être facile, immédiat, confortable », résume Stéphane Rose. La satisfaction du client prime sur l’inconnu de la rencontre. Des individus ne seront pas sélectionnés car ils ne correspondent pas à des critères précis et aux caprices des consommateurs. Toute la dimension humaine et émotionnelle de la rencontre amoureuse, avec ses doutes et ses incertitudes, est évacuée. Le zapping prime sur la construction des véritables relations humaines. La rencontre devient programmée, planifiée, calibrée rationalisée. « Quant au client, il préfère confier son futur coup de foudre à une bande de startuppers opportunistes en lunettes Wayfarer qu’à la magie du hasard et de l’alchimie amoureuse », ironise Stéphane Rose.
Les clients recherchent des amoureuses et des princes charmants sur mesure. « On compose ses partenaires comme on compose une pizza : en privilégiant tel ingrédient et en bannissant tel autre », observe Stéphane Rose. Age, couleur, de cheveux, profession, revenus, musique : tous les critères sont épluchés. Les goûts et les opinions sont passés au crible. Le client recherche une personne qui lui ressemble plutôt que de s’ouvrir à de nouveaux horizons.
http://fr.yourwebsite.com/www.
Narcissisme et communautarisme
Des sites de rencontres proposent même des recherchent par « affinités ». Des questionnaires sont envoyés, et donner les bonnes réponses évidentes permet de multiplier les rencontres. Les critères se multiplient, mais en plus deviennent évalués et quantifiés.
Les sites communautaires renforcent cette même tendance. Des sites de rencontres se limitent à une religion, une couleur de peau, un courant politique et autres critères précis de loisirs et de consommation. Il existe même des sites aussi improbables que Amours bio ou Gay Droite rencontre.
Sur le site Points Communs, chacun énumère ses goûts en matière de cinéma, de littérature, de musique… Cette sélection de loisirs limite les rencontres au milieu social de la petite bourgeoisie intellectuelle. Giulio Minghini http://www.editions-allia.com/
Les sites de rencontres abritent également toutes les névroses et les déceptions amoureuses. Ce monde virtuel est utilisé pour combler un vide affectif et la vacuité d’une existence. Des individus s’inscrivent sur internet pour faire face à une période de dépression et d’échec amoureux. Mais les sites de rencontres ne peuvent pas répondre à tous les souffrances. « Ils cristallisent au contraire nos névroses, élargissent nos failles, décuplent nos distorsions narcissiques », constate Stéphane Rose.
L’aliénation numérique favorise une addiction à internet. Même si les sites de rencontres ne permettent pas de résoudre la misère affective et sexuelle, certains utilisateurs restent inscrits et souvent connectés.
Libération amoureuse et sexuelle
Les sites de rencontres alimentent le cynisme blasé, mais aussi le fantasme. Des correspondances passionnées s’échangent pendant plusieurs mois pour découvrir ensuite qu’aucune alchimie ne se crée dans la rencontre réelle. Tous les espoirs et les fantasmes élaborés disparaissent brutalement. « Les sites de rencontres nous font croire au prince charmant avant de nous ramener sournoisement à la réalité de nos misères affectives mutuelles », décrit Stéphane Rose.
En revanche, il est plus difficile de suivre l’auteur lorsqu’il se montre pudibond et dénonce une supposée « addiction au sexe ». Si la misère affective demeure un problème, le plaisir sexuel ne peut pas être considéré comme une affreuse maladie. Stéphane Rose révèle un visage de conservateur coincé lorsqu’il évoque les dérives néfastes de la jouissance. Mais ce phénomène, sur lequel il insiste, est malheureusement marginal.
En revanche, internet favorise la tendance au flicage, déjà présente dans le couple. Les individus se surveillent mutuellement. Mais l’inscription sur un site peut favoriser de nouvelles rencontres. La possessivité, la jalousie, la prédation du couple sont alors attisées. Les sites de rencontres sont donc loin de favoriser une libération amoureuse http://zones-subversives.over-
Les sites de rencontres révèlent surtout la destruction des relations humaines et amoureuses, mais aussi l’ampleur de la misère affective et sexuelle. Le site homme pansement, créé pour les femmes dépressives, illustre ce phénomène.
Le livre de Stéphane Rose, au-delà des sites de rencontres, révèle l’importance de la misère affective et sexuelle. La société moderne se caractérise par l’atomisation et la séparation. Cette destruction des relations humaines détruit toute forme de rencontre spontanée.
Surtout, la logique marchande semble coloniser tous les aspects de la vie quotidienne. L’amour n’échappe pas à la norme capitaliste. La séduction devient un vaste marché pour produire une uniformisation et une standardisation des sentiments et des affects. Pour séduire, il faut désormais se conformer au modèle du cadre branché aux goûts insipides et à la vie routinière.
Mais les mouvements révolutionnaires délaissent ses questions. Pourtant le capitalisme ne se limite pas à la sphère de la production mais englobe aussi les affects et les désirs. Seul un mouvement de rupture avec le capitalisme peut permettre de sortir de cette froide rationalité marchande. Mais il semble également indispensable de s’appuyer sur une insurrection des désirs pour une révolution érotique et orgastique.
Source : Stéphane Rose, misere-sexuelle.com, le livre noir des sites de rencontres http://www.lamusardine.com/P13557-misere-sexuelle.com-rose-stephane.html, La Musardine, 2013
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Réinventer l’amour pour passionner la vie http://zones-subversives.over-
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Pour aller plus loin :
http://www.spikeseduction.com/
http://www.loveconfident.com/
http://www.lemouv.fr/
http://quebec.huffingtonpost.
http://www.lavoixdunord.fr/
http://www.laprovence.com/
http://www.metronews.fr/blog/
http://www.elle.fr/Love-Sexe/
http://www.huffingtonpost.fr/
http://madame.lefigaro.fr/
http://next.liberation.fr/
Stéphane Rose observe le développement considérable des sites de rencontres en quelques années. A l'image de facebook et des réseaux sociaux, le nombre d’utilisateurs ne cesse d’augmenter.
Mais le marketing des sites de rencontres contribue également à renforcer cette idée. Dans la réalité, seul 1 % des couples se forment à travers internet. La rencontre virtuelle n’est pas très démocratique. D’une part, les sites demeurent payants. D’autre part, les règles de la séduction sont similaires et aussi exigeantes que dans la « vraie vie ». « Nombreux sont les gens qui ne trouvent pas de partenaires malgré des heures et des euros dépensés sur le net ; on les repère facilement à l’aigreur et l’agressivité qui transparaissent dans leurs petites annonces ou les propos qu’ils tiennent lorsqu’on discute avec eux », observe Stéphane Rose.
Ensuite, ceux qui rencontrent une personne restent abonnés. Ses sites introduisent un rapport addictif, compulsif et consumériste à la rencontre numérique. Les sites de rencontres contribuent à façonner et à illustrer l’amour moderne. Selon Stéphane Rose, « les rencontres virtuelles corroborent tout en les accélérant certaines mutations inquiétantes du couple contemporain (infidélité, parano, flicage, dépendance à l’amour ou au sexe, liberté individuelle placée avant l’intérêt du couple) ».
La réflexion sur les sites de rencontres renvoie à une expérience humaine et éclairent les difficultés de l’amour moderne. « Les sites de rencontres nous parlent d’amour et de sexe, c’est-à-dire de libido, de narcissisme et de névroses, bref de choses très intimes et profondément humaines », souligne Stéphane Rose. L’auteur s’appuie donc sur son expérience personnelle et sur de nombreux témoignages.
Malgré un marketing tapageur, les sites de rencontres ne permettent pas toujours de trouver l’amour. De nombreuses personnes désespérées et qui ne maîtrisent pas les règles de la séduction pensent trouver la solution dans le monde numérique. « On y trouve pêle-mêle et dans les deux sexes des moches, des gros, des ternes, des analphabètes, des crétins, des méchants, des gens sans imagination, sans humour, sans univers personnel, parfois tout ça en même temps », décrit Stéphane Rose. Les rencontres ne sont pas plus faciles dans les réseaux sociaux. Le marché de la séduction semble tout aussi codifié et inégalitaire. Seuls les bons produits, beaux et performants, peuvent trouver un débouché amoureux. « Lorsqu’on ne séduit pas dans le réel, on ne séduit pas non plus dans le virtuel », précise Stéphane Rose.
Dans une société capitaliste, l’amour demeure inégalitaire. Les rencontres restent endogames et chacun reste assigné à son milieu social. Les possibilités de rencontres ne sont pas plus ouvertes sur internet. « Derrière l’utopie amoureuse qu’essaye de nous vendre les sites de rencontres se cache une intéressante métaphore du système capitaliste qui profite à une poignée de privilégiés (les mieux côtés sur le marché de la séduction) qui se rencontrent facilement et rapidement pendant que les autres, bien moins côtés, gaspillent du temps et de l’énergie pour des rencontres aléatoires et fastidieuses », résume Stéphane Rose. Et les plus exclus ne parviennent même pas à se payer un abonnement au prix élevé de 30 euros par mois.
Les témoignages recueillis révèlent le désespoir et toute l’ampleur de la misère affective et sexuelle présente sur les sites de rencontres. Le monde de l’amour numérique reflète également toute la médiocrité humaine.
Une égalité entre hommes et femmes s’observe également. La jolie femme peut, sans payer, rencontrer de nombreux hommes et sera assaillie de sollicitations. Sur les sites de rencontres comme dans le monde réel, l’homme propose et la femme dispose. « Je constate juste un schéma global de demande masculine soumise à l’offre féminine », décrit Stéphane Rose. La création d’un profil féminin déclenche de nombreuses convoitises, contrairement aux profils masculins. Stéphane Rose n’hésite pas à évoquer « tous ses gens pas beaux, pas intelligents, pas drôles qu’on aime tant railler ou détester selon l’humeur dans laquelle on se trouve, tous ses gens dont on supprime les messages sans les avoir lus, en une fraction de seconde, pour privilégier le mail du beau-mec-sexy-et-un-peu-philos
En plus de l’inégalité entre hommes et femmes, assumée par le site Adopte un mec, les rencontres virtuelles reflètent les inégalités sociales. Le site Attractive World est spécialement réservé aux jeunes cadres branchés et dynamiques. Même si ce site reflète la même médiocrité humaine que ses concurrents. Mais le client doit remplir une fiche, avec ses goûts et ses loisirs, pour ensuite être sélectionné par les utilisateurs du site. Meetic répond en créant un nouveau site : Meetic VIP, « nouvel espace de rencontres, sélect et privé, dédié aux célibataires exigeants et modernes » selon l‘annonce du site. Le Meetic standard reste donc réservé aux ringards peu exigeants. Les sites de rencontres adoptent un double discours. D’un côté l’amour est accessible à tous et, de l’autre, des espaces élitistes exclus ceux qui ne sont pas conformes au modèle du cadre moyen.
Surtout, sur Attractive World, le critère de l’exigence demeure financier. Le charme, l’humour, la culture, la sensibilité ne rentrent pas dans les critères de l’exigence sans des revenus financiers importants. « Exigeant semble vouloir dire ici friqué, beau, looké et mince… Mort aux faibles… », résume une correspondante de l’auteur. Chaque profil se conforme à la norme insipide et sans personnalité de l’existence moderne. Stéphane Rose se demande même « où se cache la foldingue excentrique, la pin-up délurée, la fashionista rock’ n’roll, la littéraire libertaire, la féministe pro-sexe, bref les filles que j’aime ? ».
Face à l’exclusion amoureuse et à la misère sexuelle, le mensonge devient le seul recours. Les utilisateurs des sites de rencontres n’hésitent pas à mentir sur leur âge, diffusent des photos retouchées sur photoshop. Ils peuvent aussi mentir sur leur poids et même sur leur couleur de peau. Le métier fait également l’objet de dissimulations.
Certains utilisateurs peuvent mentir sur leur situation familiale. Des individus qui vivent en couple n’hésitent pas à se présenter comme célibataires sur internet.
Des personnes s’inscrivent également pour se rassurer sur leur potentiel de séduction, mais sans envisager la moindre relation amoureuse ou sexuelle. Dans une démarche narcissique, ses utilisateurs tentent de se rassurer sur leur capacité à plaire et à susciter encore du désir. Ses différents mensonges débouchent vers une perte de temps considérable.
Pour ceux les personnes qui ne sont pas dévalués sur le marché de la séduction, les sites de rencontres réservent la même misère affective et sexuelle.
Ses sites sont conçus comme des vastes supermarchés avec des consommateurs qui recherchent des produits humains selon des critères précis. Le site Sugar Daddy incarne ce cynisme marchand. « Vous êtes un homme à l’aise dans la vie ? Vous êtes quelque un d’occupé et aimez les jeunes femmes attirantes et ambitieuses ? Vous êtes une jeune femme qui veut se faire dorloter ? Vous cherchez un partenaire mûr et élégant qui vous gâte », présente la page d’accueil de Sugar Daddy.
Les autres sites de rencontres ne se limitent pas à un seul critère. Mais les utilisateurs recherchent d’autres personnes comme des produits formatés qui se conforment à plusieurs critères. Cette conception de la rencontre supprime toute forme de surprise, de spontanéité et d‘ouverture à l’imprévu. Sur les sites, les individus deviennent interchangeables. « Résultat : on rencontre comme on consomme. Tout doit être facile, immédiat, confortable », résume Stéphane Rose. La satisfaction du client prime sur l’inconnu de la rencontre. Des individus ne seront pas sélectionnés car ils ne correspondent pas à des critères précis et aux caprices des consommateurs. Toute la dimension humaine et émotionnelle de la rencontre amoureuse, avec ses doutes et ses incertitudes, est évacuée. Le zapping prime sur la construction des véritables relations humaines. La rencontre devient programmée, planifiée, calibrée rationalisée. « Quant au client, il préfère confier son futur coup de foudre à une bande de startuppers opportunistes en lunettes Wayfarer qu’à la magie du hasard et de l’alchimie amoureuse », ironise Stéphane Rose.
Les clients recherchent des amoureuses et des princes charmants sur mesure. « On compose ses partenaires comme on compose une pizza : en privilégiant tel ingrédient et en bannissant tel autre », observe Stéphane Rose. Age, couleur, de cheveux, profession, revenus, musique : tous les critères sont épluchés. Les goûts et les opinions sont passés au crible. Le client recherche une personne qui lui ressemble plutôt que de s’ouvrir à de nouveaux horizons.
Des sites de rencontres proposent même des recherchent par « affinités ». Des questionnaires sont envoyés. Donner les bonnes réponses, toujours évidentes, permet de favoriser les rencontres. Les critères se multiplient, mais en plus deviennent évalués et quantifiés.
Les sites communautaires renforcent cette même tendance. Des sites de rencontres se limitent à une religion, une couleur de peau, un courant politique et autres critères précis de loisirs et de consommation. Il existe même des sites aussi improbables que Amours bio ou Gay Droite rencontre.
Sur le site Points Communs, chacun énumère ses goûts en matière de cinéma, de littérature, de musique… Cette sélection de loisirs limite les rencontres au milieu social de la petite bourgeoisie intellectuelle.
Giulio Minghini, dans son livre Fake, décrit le conformisme de ses intellos de gauche avec sa subversion sur mesure et sa rébellion branchée. Les individus se conforment à se petit milieu standardisé et uniformisé. Les utilisateurs de sites de rencontres recherchent des calques d’eux-mêmes. « Ivres de leurs valeurs et de leurs goûts brandis comme des étendards, ils en viennent à oublier que la notion d’altérité est pourtant inhérente à celle de rencontre », résume Stéphane Rose.
Les sites de rencontres abritent également toutes les névroses et les déceptions amoureuses. Ce monde virtuel est utilisé pour combler un vide affectif et la vacuité d’une existence. Des individus s’inscrivent sur internet pour faire face à une période de dépression et d’échec amoureux. Mais les sites de rencontres ne peuvent pas répondre à tous les souffrances. « Ils cristallisent au contraire nos névroses, élargissent nos failles, décuplent nos distorsions narcissiques », constate Stéphane Rose.
L’aliénation numérique favorise une addiction à internet. Même si les sites de rencontres ne permettent pas de résoudre la misère affective et sexuelle, certains utilisateurs restent inscrits et souvent connectés.
Libération amoureuse et sexuelle
Les sites de rencontres alimentent le cynisme blasé, mais aussi le fantasme. Des correspondances passionnées s’échangent pendant plusieurs mois pour découvrir ensuite qu’aucune alchimie ne se crée dans la rencontre réelle. Tous les espoirs et les fantasmes élaborés disparaissent brutalement. « Les sites de rencontres nous font croire au prince charmant avant de nous ramener sournoisement à la réalité de nos misères affectives mutuelles », décrit Stéphane Rose.
En revanche, il est plus difficile de suivre l’auteur lorsqu’il se montre pudibond et dénonce une supposée « addiction au sexe ». Si la misère affective demeure un problème, le plaisir sexuel ne peut pas être considéré comme une affreuse maladie. Stéphane Rose révèle un visage de conservateur coincé lorsqu’il évoque les dérives néfastes de la jouissance. Mais ce phénomène, largement médiatisé, reste malheureusement marginal.
En revanche, internet favorise la tendance au flicage, déjà présente dans le couple. Les individus se surveillent mutuellement. Mais l’inscription sur un site peut permettre de multiplier les rencontres. La possessivité, la jalousie, la prédation du couple sont alors attisées. Les sites de rencontres sont donc loin de favoriser une libération amoureuse.
Les sites de rencontres révèlent surtout la destruction des relations humaines et amoureuses, mais aussi l’ampleur de la misère affective et sexuelle. Le site "homme pansement", créé pour les femmes dépressives, illustre ce phénomène.
Le livre de Stéphane Rose, au-delà des sites de rencontres, révèle l’importance de la misère affective et sexuelle. La société moderne se caractérise par l’atomisation et la séparation. Cette désintégration des relations humaines détruit toute forme de rencontre spontanée.
Surtout, la logique marchande semble coloniser tous les aspects de la vie quotidienne. L’amour n’échappe pas à la norme capitaliste. La séduction devient un vaste marché pour produire une uniformisation et une standardisation des sentiments et des affects. Pour séduire, il faut désormais se conformer au modèle du cadre branché aux goûts insipides et à la vie routinière.
Mais les mouvements révolutionnaires délaissent ses questions. Pourtant le capitalisme ne se limite pas à la sphère de la production mais englobe aussi les affects et les désirs. Seul un mouvement de rupture avec le capitalisme peut permettre de sortir de cette froide rationalité marchande. Mais il semble également indispensable de s’appuyer sur une insurrection des désirs pour construire une révolution érotique et orgastique.
Source : Stéphane Rose, MISERE-SEXUELLE.COM, le livre noir des sites de rencontres, La Musardine, 2013
L’amour dans la modernité marchande
Réinventer l’amour pour passionner la vie
Contrôle des corps et misère sexuelle
Aliénation marchande et libération sexuelle
Les Liaisons dangereuses et l’amour libertin
Wilhelm Reich et la révolution sexuelle
Site de Stéphane Rose
Radio : "On vous vend l'amour comme on vendait du porno" : rencontre avec Stéphane Rose, auteur de MISERE-SEXUELLE.COM, publié sur le site Spike séduction
Radio : Emission Love is all, par Armelle Guiton, diffusée sur le Mouv' le 2 mai 2013
Radio : Que révèlent les sites de rencontres ?, publié sur le site France Culture Plus le 9 mai 2016
Camille Emmanuelle, "J'ai testé un des pires sites de rencontres", publié sur le site Fripon friponne le 25 mai 2013
Anna Lietti, " Les sites de rencontres au-delà du "plan cul" ? ", publié dans le journal Le Soir le 7 juin 2013
Anne-Sophie Hache, "Sites de rencontres : le mirage de l'amour", publié dans le journal La Voix du Nord le 17 mai 2013
Ovidie, "Site de rencontres : bienvenue sur crevardsdunet.com", publié sur le site de Metronews le 23 avril 2013
Sandra Franrenet, "Le sexe devient la nouvelle lutte sociale", publié dans Le Figaro Madame le 2 mai 2013
Anne-Claire Genthialon, "Les sites ont tendance à décupler nos névroses", publié dans Libération Next le 29 avril 2013
Agnès Giard, "L'amour est aveugle... enfin, disons... un peu ?", publié sur le site Les 400 culs le 26 août 2013
Emission "Les corps intermédiaires", diffusée sur France Inter
Fred Pailler, "Qu'est-ce qu'un site de rencontre ?", publié sur le site Politique des affects le 17 mai 2014
"Rien n'est plus impitoyable que le capitalisme amoureux", publié sur le site Cheek Magazine le 15 janvier 2015
Kessous Emmanuel, « L'amour en projet », Réseaux 2/ 2011 (n° 166)
Bergström Marie, « La toile des sites de rencontres en France », Réseaux 2/ 2011 (n° 166)