Guillaume Apollinaire et le plaisir érotique
Publié le 29 Décembre 2013
La littérature de Guillaume Apollinaire se nourrit d’une imagination érotique et poétique foisonnante, entre sadisme et sensualisme.
Guillaume Apollinaire semble considéré comme une des figures majeures de la littérature. Pourtant, ses œuvres érotiques demeurent encore peu connues. Alexandre Dupouy présente l’écrivain et ses textes qui attaquent l’ordre moral.
Poète, écrivain, journaliste, Guillaume Apollinaire s’oppose à l’académisme et au conformisme littéraire pour inventer un « esprit nouveau ». Il lance le souffle créateur des avant-gardes artistiques. « Il a révolutionné la poésie jusque dans sa présentation, dans sa typographie, en supprimant sa ponctuation, en concevant ses Calligrammes, en moult procédés nouveaux », décrit Alexandre Dupouy.
Les surréalistes ont contribué à la construction de sa légende et le poète devient une de leurs références. « Pour nous, Apollinaire était le champion du poème-évènement, c’est-à-dire l’apôtre de cette conception qui exige de tout nouveau poème qu’il soit une refonte totale des moyens de son auteur, qu’il courre son aventure propre hors des chemins déjà tracés, au mépris des gains réalisés antérieurement », témoigne André Breton. Au-delà de sa créativité littéraire, Guillaume Apollinaire incarne surtout une subversion érotique qui fascine les surréalistes, et notamment Louis Aragon.
Issu de l’aristocratie polonaise, Guillaume Apollinaire préfère l’ambiance de la bohème, bercé par les plaisirs de la vie. « A son arrivée à Paris, le jeune homme choisit d’investir sur-le-champ le gotha de la bohème, celui des lettres et des artistes, avec sa cohortes de modèles et de filles faciles, où le sexe n’est jamais proscrit, où provocation et impudicité s’affichent sans réserve », décrit Alexandre Dupouy. Le poète multiplie les passions et les plaisirs avec la gastronomie, l’humour, l’art et la peinture, le sexe et surtout la littérature. Entre la carrière et le plaisir, il choisit clairement son camp.
Pour Guillaume Apollinaire, l’érotisme incarne la révolte individuelle contre l’ordre moral pour affirmer une liberté totale. Il privilégie l’exploration du corps comme source de plaisirs. Mais il se réfère également à la sexualité dominatrice et violente de Sade.
Les Onze Mille Verges incarnent cette inspiration de Sade. Guillaume Apollinaire développe alors un érotisme dans un contexte de guerre et de brutalités. Ce roman décrit les aventures érotiques du prince Mony. Cet aristocrate semble bien plus préoccupé par le plaisir plutôt que par le pouvoir et les richesses. « Le prince Mony comme on l’a vu, n’aimait pas l’argent pour lui-même ; il désirait le plus de richesses possibles, mais seulement pour les plaisirs que l’or seul peut procurer », décrit Guillaume Apollinaire. Pourtant, c’est surtout la violence et la domination qui traversent ce récit. Le plaisir sexuel semble associé au crime, à la mort, à la guerre. Les cris de jouissance se confondent avec les hurlements de douleurs.
Cette conception de la sexualité peut ébranler l’ordre moral au XIXème siècle. Mais aujourd’hui, la sexualité comme rapport de domination doit être attaquée. Des pornographes aux féministes postmodernes, les relations sexuelles sont réduites à un rapport de domination. Il semble indispensable de dénoncer cette vision du monde associée au libéralisme, à la compétition, à la performance. Mais Guillaume Apollinaire exprime également un érotisme poétique et sensuel qui remet le plaisir et la jouissance au centre de la vie.
Les exploits d’un jeune Dom Juan dynamite la morale puritaine et la répression sexuelle. Guillaume Apollinaire décrit une famille qui impose une éducation très pudique. Le narrateur, à peine âgé de treize ans, s’emploie à détruire ce carcan moraliste. L’initiation érotique contre les normes sexuelles demeure donc le sujet de ce livre. L’enfant n’est pas présenté comme un petit être innocent dénué de désir, mais comme un individu dans une quête permanente d’expérimentations sensuelles. « Mais lorsque je me sentais tout nu devant les femmes, lorsque je sentais les douces mains féminines se promener de-ci de-là sur mon corps, cela me causait un drôle d’effet », décrit Guillaume Apollinaire. A l’âge de seize ans, le narrateur découvre le plaisir voluptueux de la masturbation. Il décrit ensuite les sensations agréables et la découverte du plaisir érotique avec toutes les femmes de son entourage.
Guillaume Apollinaire n’hésite pas à ponctuer ses poésies érotiques avec une crudité provocatrice teintée d’humour. Le Verger des amours évoque même le socialisme fouriériste fondé sur la libération amoureuse. L’érotisme s’associe alors à la poésie, l’imagination, la volupté, la sensualité et à la jouissance.
Source : Guillaume Apollinaire, Œuvres érotiques complètes, édition établie et présentée par Alexandre Dupuy, La Musardine, 2013
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Radio : Agathe André, "L'érotisme apollinarien", émission Vos désirs sont mes nuits diffusée le 22 novembre 2013 sur France Inter
Radio : émissions sur Guillaume Apollinaire diffusées sur France Culture
Raymond Jean, "L'œuvre érotique d'Apollinaire", publié sur le site de La Quinzaine littéraire le 20 décembre 2010
Caroline Doudet, rencension publiée sur le blog Cultur'elle le 2 décembre 2013
Anne Bert, recension publiée sur le blog Impermanence le 28 octobre 2013
Marc-Emile Baronheid, "Guillaume Apollianire : Quand l'érotisme ne patauge pas dans le vulgaire", publié sur le site de BSC News le 11 décembre 2013
Rubrique "Guillaume Apollinaire" sur le site Poèmes Erotiques et Sensuels