Les limites des squats alternatifs
Publié le 31 Octobre 2011
Un film sur les squats décrit ses espaces d'expérimentation sociale mais révèle aussi leurs limites.
Le film "Nécéssaires territoires" montre bien la démarche des squatteurs, en leur donnant la parole pour échapper aux clichés. L'occupation d'un espace doit permettre une critique de la vie quotidienne. Mais, ses lieux alternatifs se heurtent malheureusement aux limites imposées par la société marchande.
Ce film montre la richesse et les limites d’une certaine critique de la vie quotidienne. Contre les grandes idéologies, l’auteur du film propose de partir directement de la vie pour réfléchir sur un rapport au monde. Mais il propose surtout d’ « échapper » à la misère, au salariat et à l’ennui. Alors qu'il faudrait au contraire détruire la civilisation marchande, plutôt que de tenter vainement de la fuir.
A La Rochelle, l’urbanisation permet l’augmentation des loyers. Dans ce contexte, un groupe d’individus décide d’ouvrir un espace. Ils créent un « squat d’activité » en occupant deux maisons et un jardin. Cinq habitants vivent dans ses lieux.
L’apologie de « l’alternative » devient le nouveau credo politique du conformisme pseudo-révolutionnaire. Bibliothèque, infokiosques, jardin, zone de gratuité, récup’ et toilettes sèches sont considérés comme de véritables armes pour fuir le système. Il s’agit alors de vivre en marge du système ou, plutôt, de rester sagement dans la niche aménagée par le capital. D’ailleurs, la gratuité bénéficie de sa petite « zone » bien délimitée et ne doit surtout pas se répandre au-delà. Ils prétendent, apparemment de manière très sérieuse, « se débarasser des multinatinationales par des logiciels libres ».
Dans un éclair de lucidité, un squatteur affirme que l’autonomie, dans la vie quotidienne, « c’est pas possible ». En revanche, il ne semble pas entrevoir d’autres mondes que l’étouffoir qui nous est proposé actuellement. Mais il précise sa stratégie révolutionnaire : « si nous ont fait ça et que d’autres font quelque chose qui ressemble à ça, ça ressemblera à de l’autonomie ». La révolution minuscule, moléculaire, par capillarité devient la stratégie à la mode. Chacun essaie de construire sa petite utopie individuelle, avec son petit kit du squatteur modèle, et toute la population est censée inéluctablement se rallier progressivement à l’autonomie. Il ne s’agit plus de construire un rapport de force pour détruire toutes les institutions, les rapports sociaux de production et de bouleverser l’ensemble des rapports humains, mais de s’aménager une utopie à la mesure de sa petite ambition personnelle.
L’auteur du film assure, toujours sans la moindre trace d’humour, que le nombre de lieux alternatifs « semble impressionnant » et qu’ils peuvent changer le monde en se fédérant.
A Limoges plusieurs maisons sont occupées dans le sillage de la lutte pour le droit au logement. La notion de « conflit d’intérêt » est enfin évoquée. « Ils ne veulent tout simplement pas faire parti du même monde » précise le commentateur.
En revanche ses lieux, lorsqu’ils ne sont pas considérés comme une fin en soi, peuvent favoriser l’expérimentation et la rencontre. Mais les squatteurs cherchent surtout à trouver une place dans la société marchande, ou plutôt à côté, sans forcément s’y attaquer frontalement. Toutefois, la répression contre les squats est évoquée.
Les lieux alternatifs peuvent effectivement permettre de construire des rapports humains plus acceptables que dans une entreprise par exemple. Ce film montre que d’autres pratiques sociales, fondées sur l’entraide et la solidarité, peuvent exister. Mais, l’entretien avec Jacques Lesage de La Haye qui évoque son expérience dans les communautés alternatives des années 1970 décrit les impasses de ce projet de vie. Il souligne que l’argent et le sexe trouble l’harmonie entre les individus. Certains habitants possèdent davantage d’argent que d’autres et les inégalités produites par le capitalisme ne disparaissent pas dès lors que l’on s'enferme à l’écart de la société. Ensuite, l’éducation construit des individus qui n’ont jamais appris à vivre librement, de manière épanouie et portée par le plaisir.
Mais les squats peuvent permettre aussi de vivre et de s’organiser pour changer radicalement de société par la lutte sociale.
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