Révoltes de classe : édito n°10
Publié le 15 Juillet 2013
Égypte, Turquie, Brésil : le vent de la révolte réveille les désirs de liberté à travers le monde. Mais les médias ne cessent d’ignorer cette colère. Les "affaires" Cahuzac, Tapie et Batho permettent de faire diversion pour faire croire que la politique s’identifie à la médiocrité de la gestion du capital. Au contraire, les révoltes actuelles inventent une nouvelle forme de politique, dans laquelle chacun peut avoir sa place.
Ensuite, lorsque les médias daignent évoquer les révoltes sociales, ils mentent allègrement. Pour eux, ses révoltes ne seraient que l’expression d’une petite bourgeoisie occidentalisée qui se contenterait de demander un meilleur fonctionnement de l’exploitation capitaliste et de la démocratie représentative. Le sinistre Alexandre del Valle, qui navigue entre la droite néo-conservatrice et l’extrême droite identitaire, illustre la propagande médiatique. Pour lui, ses révoltés ne sont que des cadres branchés connectés par facebook qui exigent plus de libéralisme. Mais, dans le monde réel, le capitalisme ne cesse d’accentuer les inégalités sociales. La misère perdure au profit d’une classe dirigeante qui monopolise le pouvoir et les richesses. Les « classes moyennes » du Brésil ou de Turquie vivent avec le même revenu que les Français les plus précaires alors que le coût de la vie, comme les transports au Brésil, ne cesse d’augmenter.
Les Alexandre del Valle et autres idéologues médiatiques ne font qu’attiser la haine pour créer des oppositions factices au sein des classes populaires. En France, les nazillons qui se soumettent à leurs discours n’hésitent pas à tuer ceux qui osent lutter contre ce monde mortifère. Clément Méric est mort le 5 juin 2013. Il incarne un antifascisme radical qui s’oppose non seulement à l’extrême-droite, mais aussi à l’État et au capitalisme. Mais les vautours citoyennistes se sont jetés sur son cadavre pour promouvoir un antifascisme républicain et moraliste. Le même que celui de SOS Racisme et du PS. Cet antiracisme très institutionnel permet à l’extrême droite de se considérer comme anti-système à peu de frais. Mais le fascisme est bien le dernier rempart du capitalisme, mobilisé par la bourgeoisie lorsque même sa légalité et sa police ne suffisent plus à la protéger. La lutte contre le fascisme semble donc indissociable de la lutte des classes.
La montée électorale de l’extrême-droite semble liée à la faillite du gouvernement de gauche. Ce numéro de Zones subversives revient sur le bilan du socialisme français. Le PS se contente d’adapter la société au capitalisme moderne pour défendre les intérêts de la petite bourgeoisie. Ce n’est pas le Front de gauche qui offre une alternative car, à travers les institutions, la politique se réduit à une simple administration de la marchandise. Au contraire, ce sont les luttes sociales qui doivent réinventer la politique.
Dans la ville de Florence, au XIVème siècle, la révolte des Ciompi permet une auto-organisation populaire contre les institutions. Cette expérience historique peut permettre d’inventer d’autres pratiques que la traditionnelle routine militante. Les groupes de lutte armée, malgré leur aspect minoritaire, sortent du cadre légal définit par les partis et les syndicats. Ils insistent également sur la conflictualité politique avec l’État et les institutions.
Mais l’aliénation marchande ne cesse de se renouveler. Avec le benchmarking et le management, les salariés intériorisent davantage leur soumission aux normes capitalistes. Les nouvelles technologies appauvrissent l’expérience vécue. Le réseau social Facebook détruit les relations humaines et renforce l’artificialisation de la vie. Les sites de rencontres révèlent l’ampleur de la misère affective et sexuelle. La séduction s’apparente à un marché pour détruire la passion amoureuse.
La créativité peut permettre de lutter contre ce conformisme libéral qui façonne des individus soumis, avec une culture standardisée. La musique peut être appropriée par tous, pour s’ouvrir à de nouvelles sonorités dans le quotidien. Le théâtre peut sortir de la consommation passive pour créer une communauté d’égaux entre acteurs et spectateurs.
Surtout, la créativité peut permettre de libérer l’imagination et les désirs. Cette démarche peut sortir de la norme de la performance et de la rentabilité pour privilégier le plaisir. Mais l’épanouissement individuel et la jouissance passent aussi par une transformation des rapports sociaux. Pour sortir de l’étouffoir capitaliste, la révolution sociale doit s’accompagner d’une révolution érotique et esthétique.
La gauche au pouvoir pour servir le capital
Réinventer la politique face à la gauche
Révolte des Ciompi et révolution sociale
La lutte armée en France depuis 1968
Le benchmarking et l’aliénation managériale
Facebook et l’aliénation technologique
Sites de rencontres et misère sexuelle