Écume parlementaire et vagues sociales : édito n°52

Publié le 15 Septembre 2022

Écume parlementaire et vagues sociales : édito n°52

Canicule, sécheresse, nature consumée: les conséquences écologiques du capitalisme deviennent toujours plus perceptibles. Face à l'effondrement, aucune solution sérieuse ne se profile. La planification écologique s'apparente à une administration du désastre, plus ou moins autoritaire. L'absurdité bureaucratique pilotée par des politiciens déconnectés des usages de la vie quotidienne peut même aggraver le problème. La gestion de la crise sanitaire suffit à dévoiler l'incurie de l'Etat et des experts face à des situations sérieuses.

Restent les petits gestes du quotidien. Une certaine classe peut limiter ses vols en jet privé, se nourrir de boulgour et de burgers vegans, se promener en trottinette et boire dans des écocups. Mais d'autres petits écogestes peuvent aussi se propager. Se réapproprier les terrains de golf, refuser de payer les transports en commun, attaquer des nuisances comme Total ou Areva, paralyser la production par des grèves et des sabotages peuvent devenir des petits gestes écocitoyens qu'une majorité de la population peut reproduire au quotidien. Une course de vitesse s'accélère entre la gloutonnerie marchande et la survie de l'humanité. La bourgeoisie invoque "la fin de l'abondance", mais pas encore la fin du capitalisme et sa liquidation en tant que classe sociale parasite.



La séquence électorale semble déjà lointaine. Personne n'a cru à la blague "Mélenchon Premier ministre". Le feuilleton de la Nupes tourne à vide. La vacuité de l'agitation parlementaire révèle une extrême gauche du capital fière de ne servir à rien. La guérilla parlementaire à grands coups d'amendements s'enferme dans la parodie la plus insignifiante. Chacun joue sa partition. Les "fachos pas fâchés" restent dans leur niche de larbins du pouvoir. Ils tiennent à rappeler leur rôle historique de dernier rempart du capitalisme face à la contestation sociale. Ils surjouent l'ordre encravaté et la respectabilité petite-bourgeoise.

Mais au-delà de ce petit marigot politicien, la révolte gronde. Nos éditorialistes préférés craignent une "France ingouvernable", moins par la paralysie institutionnelle que par une multiplication de grèves et de conflits sociaux. La vie chère et les bas salaires apparaissent comme des motifs de révolte légitimes. Largement compris par une majorité de la population qui subit des conditions de vie et de travail qui ne cessent de se dégrader. La vague de grèves en Angleterre menace de traverser la Manche.

La vieille gauche de la Nupes se presse de venir au secours du patronat avec des propositions de "conférences de négociations sociales sur les salaires". Cette gauche quinoa ignore qu'il existe déjà des NAO (négociations annuelles obligatoires) dans les entreprises. Mais le vieux mythe social-démocrate du dialogue et de la négociation entre exploiteurs et exploités s'est effondré depuis longtemps. Tout simplement parce que le patronat refuse de négocier avec des syndicats qui ne lui font plus peur.

Surtout lorsque les capitalistes ne se sentent pas encore menacés par une grève de masse. Ce n'est pas la gauche soporifique du camarade Olivier Faure qui risque de faire trembler le patronat. La Nupes préfère mépriser les luttes sociales avec leurs barbecues virilistes sur les piquets de grève. Entre propositions naïves voire farfelues et mépris de classe, la crédibilité de la Nupes ne cesse de se déliter progressivement. 
 


Mais le succès de la Nupes auprès des sectes anticapitalistes en dit long sur cette mouvance en décomposition. Leur conception du mouvement social se réduit à un lobbying citoyen pathétique et dérisoire. Le défaitisme et la résignation règnent chez les militants gauchistes qui ont intériorisé leur impuissance. Si l'avant-garde de la révolution se compose du quarteron de cadres moyens de la fonction publique en préretraite, les masses prolétariennes peuvent attendre longtemps le déclenchement de la grève générale insurrectionnelle.

Le mouvement des Gilets jaunes a bien montré l'attentisme et la frilosité des pseudos militants anticapitalistes. Mais cette révolte a également dévoilée la force de la spontanéité d'un prolétariat peu politisé mais qui ne se résigne pas à se laisser écraser et humilier sans broncher. Certes, l'essoufflement de cette dynamique révèle également l'absence de véritables perspectives révolutionnaires. Les Gilets jaunes se sont contentés des revendications réformistes et institutionnelles longtemps portées par l'extrême gauche.

Néanmoins, le cycle de soulèvements à travers le monde ne semble pas s'essouffler. Depuis 2011, les révoltes dans les pays arabes marquent véritablement l'entrée dans le XXIe siècle. Ces insurrections ont débouché vers la guerre comme en Syrie, les coups d'État militaires comme en Égypte, ou le crétinisme parlementaire qui ne change rien à une vie de misère et de désespoir comme en Tunisie. Le mouvement Occupy s'inscrit dans cette dynamique. Il débouche vers les supercheries de la gauche radicale en Grèce, en Espagne ou aux États-Unis. Dans les pays occidentaux, la gauche reste le dernier rempart contre la révolution. Peut-être même plus que le fascisme historique qui troque ses milices paramilitaires contre des pitreries médiatiques.
 

Le cycle de soulèvements ouvert en 2019 débouche davantage vers l'essoufflement et l'enlisement. Des processus constitutionnels sont ouverts au Chili ou au Soudan. Mais seule la mobilisation populaire semble capable d'accompagner et de porter des changements plus ou moins cosmétiques. L'échec de la constituante chilienne montre bien que la reconnaissance du droit des fleurs et des oiseaux ne suffit à satisfaire une population qui subit la misère. En Algérie et au Liban, les manœuvres politiciennes de haut vol ont permis à la bourgeoisie capitaliste ou militaire de reprendre la main.

Ces divers scénarios peuvent doucher l'enthousiasme face à la révolte au Sri Lanka. Là aussi, les politiciens semblent bien connaître toutes les ficelles de la manipulation. Même si ces manœuvres de palais ne font pas illusion auprès de la population. Mais les remaniements au sommet de l'Etat suffisent à rassurer la bourgeoisie locale et internationale. Pourtant ces révoltes semblent dessiner un nouveau paysage politique dans de nombreux pays du monde.

Les mouvements éclatent en dehors des partis et des syndicats, largement dépassés par des dynamiques spontanées. Ensuite, deux camps s'affrontent clairement. D'un côté le pouvoir politique et parlementaire. De l'autre, la rue et le prolétariat en lutte. Des comités locaux permettent des pratiques d'auto-organisation qui peuvent alors ouvrir des perspectives nouvelles si elles parviennent à se propager massivement. Ce qui reste rarement le cas. Pour l'instant.

 

Sommaire n°52 :

 

Syndicalismes de base

Le syndicalisme des IWW à travers le monde

Les luttes des dockers de Philadelphie

Pierre Bois et les grèves à Renault

La CFDT et les luttes de l'immigration

Les luttes des ouvriers immigrés de 1982 à 1983

Le syndicalisme contestataire de Solidaires

Syndicalisme et pouvoir politique

 

Perspectives stratégiques

Résistances et perspectives de lutte en France

Les utopies et l'ouverture des possibles

Marxisme et stratégie militaire

 

Littérature et révolution

Le romantisme révolutionnaire

La littérature des barricades au XIXe siècle

Le roman populaire au XIXe siècle

Publié dans #Numéros complets

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