Féminismes et stratégie révolutionnaire
Publié le 3 Novembre 2022
Un renouveau du féminisme peut s’observer dans différents pays. Mouvement international #MeToo, Ni Una Menos en Argentine, grève des femmes en Espagne incarnent cette dynamique du féminisme qui semble même parfois prendre le relais d’un mouvement ouvrier affaibli. En France, dans une moindre mesure, un bouillonnement intellectuel et militant sur le sujet peut s’observer. Les livres, les revues, les podcasts, les blogs et les bandes dessinées se multiplient. Dans le sillage de la vague #MeToo, des collectifs et manifestations féministes connaissent un véritable succès. Une « quatrième vague » du féminisme semble déferler en France.
Il semble important de prendre la mesure de ce nouveau phénomène. Il devient urgent de tirer des bilans et de proposer des perspectives politiques. Le féminisme semble avoir tendance à se désintéresser de son passé. Chaque génération prétend inventer de nouveaux concepts. Néanmoins, l’histoire et l’héritage du féminisme doit être redécouvert. Ce qui permet de dresser le bilan des différentes politiques menées. Mais aussi de prendre du recul sur la situation actuelle. Le féminisme fait également l’impasse sur les débats de stratégies et d’organisation qui traversent l’histoire du mouvement ouvrier.
La stratégie de l’institutionnalisation, avec l’intégration au gouvernement et à l’Etat, reste rarement questionnée et remise en cause. Ensuite, le féminisme semble s’éloigner du mouvement ouvrier et des luttes sociales. Pourtant, depuis le mouvement contre la loi Travail de 2016, s’observe un renouveau de la contestation sociale. La révolte des Gilets jaunes reste un moment décisif de ce nouveau cycle. Les clivages et les alliances entre le féminisme et le mouvement ouvrier doivent être questionnés.
La question stratégique doit s’articuler avec une réflexion théorique sur l’oppression et l’exploitation des femmes et des minorités de genre. Une approche unitaire des différentes formes d’oppression (de genre, de race et de classe) semble déterminante. Ce qui permet d’éviter la hiérarchisation des oppressions, mais aussi leur morcellement à l’infini. Aurore Koechlin, intellectuelle et militante, revient sur ces enjeux centraux dans le livre La révolution féministe.
Féminisme historique
La lutte pour l’avortement et la contraception reste l’acte fondateur du féminisme moderne. Cette deuxième vague, après celle pour l’égalité des droits politiques, marque l’émergence d’un mouvement féministe autonome. Surtout, elle s’inscrit dans le sillage de la contestation des années 1968.
Le féminisme matérialiste reste particulièrement influent en France, notamment incarné par Christine Delphy. Il reprend la méthode marxiste pour analyser le système de domination des femmes. Mais il tient à se démarquer du marxisme pour affirmer l’indépendance du mouvement féministe. L’hostilité du mouvement ouvrier semble liée à l’héritage du Parti communiste qui méprise le droit des femmes considéré comme « petit bourgeois ». Le Mouvement de libération des femmes (Zones subversives) (MLF) développe des « cercles de conscience » qui permettent d’exprimer l’expérience concrète de l’oppression. L’absence d’hommes favorise une libération de la parole.
Christine Delphy s’attache à développer une théorie de l’oppression et de l’exploitation des femmes. Elle insiste sur le travail domestique et sur le rôle économique des femmes au sein de la famille. Elle considère que certains hommes tirent avantage de cette exploitation patriarcale et insiste donc sur l’autonomie du féminisme. Elle refuse l’idée selon laquelle l’abolition du capitalisme suffit à permettre l’émancipation des femmes. Pourtant, le féminisme matérialiste sombre en raison de sa faiblesse stratégique. Ce courant décline après le reflux des luttes des années 1968. Il ne parvient pas à s’opposer à l’institutionnalisation du féminisme. Ses militantes se réfugient dans le milieu universitaire.
Le féminisme « lutte de classes », un autre courant du MLF, tente de relier marxisme et féminisme. Cette tendance est rapidement tombée dans l’oubli. Les organisations marxistes se désintéressent du féminisme et ses militantes finissent par les quitter. Pourtant, des groupuscules trotskistes insistent sur les luttes des femmes. L’Alliance marxiste révolutionnaire (AMR), Révolution ! et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) ont permis le développement de ce féminisme « lutte de classes ».
Le MLAC (Mouvement de libération de l’avortement et de la contraception), créé en 1973, apparaît comme le meilleur exemple qui illustre la politique de ce courant. Des comités locaux forment la base de ce mouvement qui s’appuie également sur des groupes d’extrême gauche, des militantes féministes, des syndicats et des partis. Cette démarche a permis de dépasser les clivages pour permettre une victoire de la lutte pour l’avortement. La LCR favorise également la création de « groupes femmes » dans les entreprises. Ce qui permet de relier le féminisme et la lutte des classes.
Le MLAC est impulsé par l’extrême-gauche pour s’appuyer sur un front large d’organisations. Ce mouvement mixte développe la pratique des avortements illégaux. Il reste attaché à la réappropriation par les femmes de leur corps. Malgré de nombreux comités locaux, le MLAC s’effondre après l’adoption de la loi en 1975. Les organisations se retirent et des militantes considèrent que la lutte est terminée.
Féminisme queer
La troisième vague émerge aux Etats-Unis avec le black feminism. Ce courant se situe au croisement du mouvement pour les droits civiques des années 1950 et 1960 et de la deuxième vague du féminisme des années 1960 et 1970. Il part de l’incapacité de ces deux mouvements à prendre vraiment en compte la question des femmes noires. Angela Davis synthétise les analyses en termes de genre, de race et de classe. Militante du Parti communiste américain, elle articule ces enjeux avec le marxisme. Les autres théoriciennes du black feminism, comme Audre Lorde, posent également la question de l’émancipation et de la mobilisation des femmes noires. Elles estiment que le mouvement féministe a fait l’impasse sur la question stratégique. L’intersectionnalité apparaît comme le produit de ces réflexions théoriques.
Les sex wars se développent dans les années 1980, dans le contexte d’un retour à l’ordre moral porté par le président Reagan. La pornographie, le BDSM et la prostitution font l’objet de débats virulents qui secouent le mouvement féministe. Katerine MacKinnon considère la sexualité comme un instrument de domination et de violence. Elle défend la répression de la pornographie et de la prostitution. Au contraire, les féministes « pro-sexe » insistent sur la sexualité comme un vecteur d’émancipation. Elles insistent sur les sexualités marginales, lesbiennes et BDSM. Elles sont à l’origine de la théorie queer. Judith Butler considère le genre non pas comme une essence prédéterminée mais comme une identité construite. Il est également possible de perturber les normes de genre, comme avec la pratique drag. La théorie queer remet au centre la question de la sexualité, éclipsée en France par les réflexions économiques autour du travail, et insistent sur les sexualités minoritaires.
En France, la réception de la théorie queer semble tardive avec la première traduction de Judith Butler en 2005. Ensuite, elle concerne avant tout le milieu universitaire. Une approche sociologique prédomine comme chez Elsa Dorlin qui concilie théorie queer et féminisme matérialiste. Même si Sam Bourcier ou Paul Preciado s’inscrivent dans l’héritage de Michel Foucault et semblent plus proches de Judith Butler. La réception de l’intersectionnalité en France commence également dans les années 2000 au sein du monde universitaire. Elle se développe en 2010 au sein des milieux militants, surtout à travers les blogs et les réseaux sociaux. Dans un contexte de reflux des luttes, cette appropriation devient plus individuelle et déconnectée des mouvements sociaux.
En 2003, « l’affaire du voile » divise le féminisme français. Un courant prétend qu’il est possible de s’appuyer sur l’Etat et sur la loi. Un autre insiste sur la volonté de redonner aux femmes le contrôle de leurs corps. Le débat sur la prostitution reste l’autre clivage majeur. Le CNDF (Comité national pour le droit des femmes) défend la loi qui réprime les clients et oblige les prostituées à se cacher davantage. Le collectif 8 mars pour tou.te.s lance une marche qui inclut les femmes voilées et les prostituées. De 2012 à 2017, le mouvement féministe est scindé en deux manifestations distinctes. Une nouvelle génération de féministes semble surtout implantée dans les universités et sur internet.
Lutte contre les violences faites aux femmes
La quatrième vague émerge en 2015 avec la manifestation contre les féminicides en Argentine. Le mouvement Ni Una Menos se répand dans le reste de l’Amérique latine. En lien avec les luttes des femmes indigènes, il insiste sur la question de l’accès à la terre et aux ressources naturelles. Dans les pays occidentaux, le mouvement #MeToo se développe en 2017 pour permettre une libération de la parole.
Contrairement à la troisième vague, les luttes des femmes dans le monde du travail sont prises en compte. Des mouvements de grève des femmes se lancent contre les violences et pour l’égalité salariale. En Espagne, dès 2018, la grève des femmes du 8 mars devient un véritable mouvement de masse. La question du droit à l’avortement, revendication de la deuxième vague, devient également centrale. De puissantes manifestations font reculer le pouvoir en Espagne et en Pologne pour défendre le droit à l’avortement. Au Chili, un renouveau du féminisme s’observe à partir des luttes dans les universités.
Ce nouveau féminisme emprunte à la deuxième vague ses revendications économiques et insiste sur le lien avec les mouvements sociaux. Il reprend de la troisième vague sa dimension inclusive et insiste sur le croisement des oppressions. Cette nouvelle vague débouche vers des manifestations de masse qui permettent de reposer la question stratégique. Le féminisme paraît même à l’avant-garde des soulèvements partout dans le monde.
En France, cette nouvelle vague semble plus modeste. Néanmoins, le nouveau cycle de lutte amorcé en 2016 lance une dynamique. La loi Travail permet d’évoquer la précarité des femmes. Des commissions féministes sont créées à Nuit debout. Ce nouveau cycle de lutte se caractérise également par une centralité du mouvement autonome, incarnée par l’importance du cortège de tête. La recomposition de la mouvance intersectionnelle se confond avec le mouvement autonome.
La journée du 24 novembre 2018 regroupe l’ensemble des tendances du mouvement féministe. Elle débouche vers d’importantes manifestations. Pourtant, elle refuse la jonction avec le mouvement des Gilets jaunes. Les féministes ont préparé en amont leur manifestation et ne veulent pas noyer leurs revendications dans un mouvement plus large. Pire, des militantes refusent de s’associer à une révolte sociale qui refuse le légalisme et se voit associée à l’extrême-droite. Pourtant, de nombreuses femmes précaires rejoignent les Gilets jaunes. En France, le féminisme parvient difficilement à se lier aux luttes sociales. Ce qui ne permet pas l’émergence d’un véritable mouvement de masse.
Danielle Kergoat permet de penser une théorie unitaire du féminisme. Elle s’inscrit dans un cadre d’analyse marxiste pour articuler les oppressions. Elle observe que le travail reste le cœur des rapports sociaux de classe, de sexe, de race. Ensuite, les rapports sociaux de domination ne sont pas fixes mais évolutifs. Il semble important de les historiciser. Il n’est pas possible d’isoler un seul rapport social puisque les formes de domination ne cessent de se croiser. Il semble important de développer une analyse fine de la façon dont ces rapports sociaux s’influencent les uns les autres. Il n’existe pas d’identité fixe et figée.
Stratégie réformiste
Le débat stratégique semble étouffé dans les milieux féministes. Une hégémonie intersectionnelle s’est imposée. Ensuite, comme dans le petit milieu militant, un consensus mou s’attache à effacer les divergences stratégiques. Par exemple, le rapport aux institutions et au féminisme d’Etat n’est pas toujours clarifié. Donner la parole aux « concerné.e.s » devient le summum du positionnement politique, avec une tonalité plus larmoyante plutôt que d’affirmer la nécessité de l’autonomie des luttes. Le clivage entre réformisme et révolution est également gommé. « La rupture avec une certaine histoire des luttes ouvrières se serait accompagnée d’une rupture avec ses questionnements stratégiques », souligne Aurore Koechlin.
Entre 1980 et 2000 s’observe un creux de la vague. L’arrivée de la gauche au pouvoir se traduit par une institutionnalisation du féminisme. Le débat parlementaire, législatif et gouvernemental remplace les manifestations de masse. Les associations féministes se spécialisent sur des domaines très précis. Elles se contentent de défendre les acquis de la deuxième vague, sans penser l’évolution de la société. Néanmoins, ces associations permettent de maintenir un féminisme du quotidien, à l’image du Planning familial, dans un contexte de reflux des luttes.
La stratégie réformiste, déclinaison de la social-démocratie issue du mouvement ouvrier, s’est bien développée. Le féminisme institutionnel comprend les professionnels des associations qui reposent sur les subventions de l’Etat et des collectivités locales. Ensuite, les féministes d'État tentent d’améliorer le statut des femmes au sein même de l'État, de ses institutions et de son gouvernement. Ces deux démarches se distinguent. Mais elles peuvent aussi collaborer comme au moment de la bataille pour la parité dans les années 1990-2000. Leur proximité avec les gouvernements de gauche et le Parti socialiste (PS) favorise également la confusion. La plupart des associations qui aident les femmes victimes de violence sont subventionnées par l’Etat. Elles n’en restent pas moins indispensables.
Cependant, cette stratégie semble limitée. Elle repose sur l’illusion de réformer la société par l’action de l’Etat. Pourtant la libération des femmes semble impossible sans une remise en cause de l’ordre capitaliste. Il est possible d’arracher de nouveaux droits et de permettre des évolutions dans les comportements. Mais il n’est pas possible de supprimer l’exploitation des femmes sans abolir une société qui repose sur le profit. Ensuite, le réformisme postule la neutralité de l'État qui serait un simple arbitre au service de l’intérêt général. Au contraire, l’Etat apparaît comme un instrument de domination au service de l’ordre patriarcal. Comme l’illustrent les fermetures de maternités et de centres IVG. Les féministes ont obtenu de nouveaux droits uniquement en imposant un rapport de force face à l’Etat.
Stratégie intersectionnelle et stratégie révolutionnaire
La stratégie intersectionnelle semble éloignée des différents courants du mouvement ouvrier. Elle s’apparente davantage au gauchisme postmoderne issu du milieu universitaire. « L’idée centrale est qu’il existe dans la société de multiples rapports d’oppression. Chacun de ses rapports est entièrement autonome des autres, également important, incommensurable et total », résume Aurore Koechlin. Les dominant.e.s obtiennent des privilèges à partir des structures de domination. Ils portent donc une responsabilité morale. Mais cette approche vise davantage à culpabiliser des individus plutôt qu’à attaquer le pouvoir. « Or, ce qui compte, c’est bien de savoir où se situe le pouvoir, qui permet à la société telle qu’elle est de produire et de se reproduire », souligne Aurore Koechlin.
Cette approche individualiste se conforme au néolibéralisme qui abandonne les mouvements collectifs et la perspective d’une transformation totale de la société. « On n’essaiera pas de changer le système, mais de changer un à un les individu.e.s qui le composent », ironise Aurore Koechlin. Ensuite, cette démarche s’inscrit dans une logique identitaire d’assignation et d’essentialisation. Le purisme militant se rapproche de la morale chrétienne. La posture de la radicalité prime sur l’action concrète et l’organisation collective.
La stratégie féministe marxiste et révolutionnaire s’attaque à la base matérielle et économique du système. Elle remet en cause le travail productif et reproductif. Le sujet révolutionnaire ne se réduit pas aux hommes blancs ouvriers de la grande industrie. Il comprend les femmes, les minorités de genre et les immigrés. Cette démarche passe par la grève, y compris du travail reproductif qui doit être socialisé. Contrairement à la stratégie intersectionnelle, c’est une lutte globale contre toutes les formes d’oppression. « Nous devons lutter contre la tendance contemporaine à l’éclatement des luttes et des mots d’ordre politiques pour réaffirmer sans cesse le lien organique entre classe, genre et race », indique Aurore Koechlin.
Cette lutte combat un même système qui comprend différentes formes de domination. « Nous ne sommes pas des "allié.e.s" aux privilèges différents, nous sommes une majorité d’exploité.e.s et d’opprimé.e.s face à une minorité qui détient le pouvoir économique, et qui fait usage de l’Etat pour perpétuer sa domination », analyse Aurore Koechlin. Il semble important de dépasser nos divergences dans nos intérêts matériels immédiats pour défendre nos intérêts matériels et politiques globaux qui convergent.
Le Collectif Féministes révolutionnaires (CFR): qui s'inscrit dans cette démarche, intervient dans les mouvements sociaux comme en 2010 sur la réforme des retraites ou en 2018 au moment de la grève des cheminots. Le CFR participe aux piquets de grève et aux assemblées générales. Le CFR participe évidemment aux manifestations féministes, avec une démarche unitaire et une perspective d’élargissement de la lutte.
Féminisme révolutionnaire
Aurore Koechlin propose un livre précieux pour comprendre les enjeux du mouvement féministe. Elle revient sur l’histoire récente des différentes « vagues ». Mais son approche historique insiste sur l’apport et les limites de chaque tendance. Aurore Koechlin pose la question centrale de la stratégie. Améliorer la condition des femmes suppose de changer la société et de remettre en cause le capitalisme.
Aurore Koechlin propose une bonne critique du féminisme institutionnel et de la stratégie réformiste. Ensuite, Aurore Koechlin tient à se démarquer du féminisme intersectionnel qui s’est imposé comme la nouvelle mode du milieu militant. Elle s’appuie sur son expérience personnelle pour observer les travers de ce petit milieu. La posture de la bienveillance et de l’inclusivité n’empêche pas le sectarisme, le purisme et les hiérarchies informelles. Surtout, Aurore Koechlin propose une critique percutante de l’idéologie intersectionnelle. Ce modèle figé se réduit à un hit parade de l’oppression systémique. Danièle Kergoat propose une analyse plus fine des croisements et de l’intrication des diverses oppressions selon les situations.
Aurore Koechlin insiste sur une stratégie marxiste et révolutionnaire. Elle s’appuie sur l’apport de l’intersectionnalité pour évoquer les diverses formes d’oppression. Elle reprend l’analyse marxiste sur le travail reproductif. Surtout, elle évoque l’apport du féminisme « lutte de classes » qui se développe au début des années 1970. Ce courant, proche des organisations trotskystes, tente de relier le bouillonnement féministe et le mouvement ouvrier. La lutte pour le droit à l’avortement semble animée à la fois par des féministes et des militantes d’extrême-gauche. En revanche, Aurore Koechlin insiste trop peu sur le rôle des comités locaux. Elle préfère souligner l’importance du front unique et du cartel d’organisations qui incarnent cette dynamique de lutte. Néanmoins, un mouvement social se construit avant tout depuis la base et les collectifs locaux plutôt que par une addition de logos qui ne font fantasmer que les trotskystes.
Aurore Koechlin évoque également son expérience du Collectif Féministe révolutionnaire (CFR) qui reste peu connue. Ce groupe intervient dans les diverses luttes pour proposer ses analyses et relier les différents mouvements dans une perspective transversale. Le CFR insiste sur la convergence des luttes. Cette approche semble pertinente dans une période de reflux de la contestation sociale. Néanmoins, l’importance du volontarisme militant doit être relativisée. Les luttes sociales restent souvent corporatistes, cloisonnées et partielles. Même si tenter de les relier reste indispensable.
En revanche, Aurore Koechlin insiste trop peu sur l’importance des soulèvements à travers le monde. Certes, elle évoque à plusieurs reprises le mouvement des Gilets jaunes. Elle indique l’intervention de son collectif dans les mouvements inter-professionnels. Néanmoins, Aurore Koechlin semble trop focalisée sur une stratégie trotskyste avec son cartel de groupuscules et son volontarisme militant. Mais la spontanéité révolutionnaire n’est jamais évoquée. Les révolutions dans les pays arabes en 2011 ont permis un renouveau des luttes des femmes au Maghreb. Un carré féministe s’est même imposé au sein du Hirak en Algérie dans les manifestations de 2019. Les féministes au Chili et en Amérique latine ont également exprimé leur force dans des soulèvements d’ampleur. La révolte en Iran en 2022 révèle également la puissance révolutionnaire du féminisme. Avec plus de flamboyance que les sectes gauchistes et intersectionnelles en exil sur les réseaux sociaux.
Partir des révoltes globales pour y exprimer une tonalité féministe apparaît comme la stratégie la plus pertinente. Ces soulèvements dans différents pays remettent en cause la vie chère, la précarité et l’exploitation. Ils remettent également en cause les hiérarchies politiques et la délégation de pouvoir. En revanche, des réflexes machistes peuvent encore s’observer. Mais des femmes se regroupent pour affirmer leur force collective et porter leurs revendications. Ces soulèvements doivent porter la perspective d’une rupture avec le capitalisme, mais aussi une abolition de toutes les hiérarchies et de toutes les formes d’oppressions et d’exploitations.
Source : Aurore Koechlin, La révolution féministe, Amsterdam, 2019
Extrait publié sur le site Les guerillères
Extrait publié sur le site Les Territoires de la Mémoire
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