Révoltes sociales et récupérations : édito n° 37
Publié le 4 Avril 2019
La révolte en Algérie démontre la capacité de la population à se soulever face à un pouvoir autoritaire. Ce "mouvement populaire" reste massif et déterminé. Les Algériennes et Algériens ne sont pas dupes des manœuvres de la clique Bouteflika qui tente de se maintenir au pouvoir. "Le peuple veut la chute du système" est devenu le mot d'ordre fédérateur.
Il semble important de se méfier des tentatives de faire échouer cette révolte. Le FLN et ses gérontocrates sont des experts en récupérations politicardes. En 1962, le FLN s'est appuyé sur le désir de liberté contre le colonialisme français pour accéder au pouvoir. Ce parti nationaliste est devenu la nouvelle classe dirigeante. Folklore tiers-mondiste et autogestion de caserne ont même fait illusion. Les services secrets algériens sont toujours prêts à se faire passer pour "révolutionnaires" pour garder le pouvoir.
Plus récemment, les révolutions de 2011 ont été confisquées. En Egypte, l'armée a repris le pouvoir après un intermède islamiste. En Tunisie, les élections ont permis à un pouvoir conservateur d'encadrer les libertés pour faire perdurer la répression. La "transition démocratique" réduite à une démocratie électorale est une impasse. Des institutions nouvelles ne peuvent permettre qu'un relatif renouvellement de la classe dirigeante, mais pas sa destruction.
Nejib Sidi Moussa évoque les débats autour des perspectives politiques. Islamistes, capitalistes et même trotskistes militent pour une constituante. Les élections restent le terrain de favori des partis fantoches et de l'opposition d'Etat. Jusqu'à d'improbables bourgeois exilés en France qui lorgnent sur un pouvoir à prendre. La lutte pour les libertés regroupe "le peuple", de la petite bourgeoisie intellectuelle aux prolétaires. Mais des grèves et des comités de base peuvent insister sur les inégalités sociales qui découlent du capitalisme. Cette dynamique existe, avec quelques mouvements de grève. Les exploités doivent s'organiser à la base pour éviter que des politiciens reprennent le pouvoir. La situation reste complexe et incertaine. En Algérie comme au Soudan, un cycle de révolutions peut s'ouvrir.
En France, les vautours tournent déjà autour de la dépouille pas encore refroidie des gilets jaunes. François Ruffin parle déjà du mouvement au passé. Il veut réduire les gilets jaunes à une banale prise de parole pour mieux éradiquer la révolte sociale. Juan Branco joue les vedettes de l'insurrection mondaine pour mieux refourguer sa camelote social-démocrate. Du médiatique François Boulot à l'assemblée des assemblées, c'est le programme poussiéreux de la gauche du capital qui est à peine relooké. Avec Chouard et Asselineau, entre RIC et Frexit, la tambouille indigeste se fond dans le ragoût bien franchouillard du gaullisme. Bref, tous ces discours désuets fleure bon la grisaille des Trente glorieuses et de l'ère gaullo-communiste.
Pourtant, le mouvement des gilets jaunes démarre comme apolitique, voire même anti-politique. Les délégués pour négocier avec le pouvoir, les listes électorales, les porte-paroles officiels ont été rejetés. L'action directe et le blocage des routes ont été le carburant de cette révolte des classes populaires. Mais l'absence de grève et de perspectives de lutte risquent de causer sa perte. La fièvre du samedi est devenue routine hebdomadaire. Le gouvernement parie même sur d'obscures élections européennes pour diviser le mouvement et asseoir à nouveau sa légitimité. Mais les braises sont encore chaudes. Les raisons de la colère sociale couvent encore sous la cendre. Le mouvement peut même perdurer et s'enraciner dans des grève et des blocages. Les gilets jaunes triompheront.
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