Terrorisme d'Etat : édito n° 22

Publié le 8 Janvier 2016

Terrorisme d'Etat : édito n° 22

Les attentats qui ont frappé Paris le 13 novembre 2015 ont entraîné de nombreuses réactions politiques. Cet acte de mort a plongé le pays dans une émotion forte et salutaire. Malgré les appels nationalistes et tricolores de François Hollande, et même de Facebook, les espaces de recueillements ont vu surtout fleurir les messages de paix. Au-delà des discours franchouillards sur le pays de la fête et du bon vin, c’est le rejet d’un monde de barbarie et de violence qui prédomine. L’émotion peut alors alimenter la réflexion critique.

Mais l’émotion sincère a également subit une instrumentalisation politique. Les chaînes info ont remplacé le désir de comprendre par la distillation de la peur. Le gouvernement s’est emparé de l’évènement pour appliquer l’état d’urgence. Mais, loin d’empêcher le terrorisme, cette politique impose une nouvelle forme de terreur politique. Hollande et Taubira apparaissent comme la farce qui succède à la tragédie de Guy Mollet et François Mitterrand de 1956. Le gouvernement, loin de trahir la gauche, chausse fidèlement les bottes de son racisme historique.

 

Mieux que des longs discours, il suffit de regarder les faits. La Quadrature du net recense patiemment toutes les conséquences de l’état d’urgence. Rues quadrillées, portes défoncées, contrôles policiers, perquisitions, gardes à vue, assignations à résidence, justice expéditive : c’est bien une intimidation et une répression qui vise à inspirer la terreur. Cette politique attaque non seulement une improbable « communauté musulmane » mais surtout l’ensemble des quartiers populaires. Ils doivent être mis sous contrôle pour empêcher toute forme de révolte.

 

 

 

Tous les groupuscules gauchistes y sont allés de leurs interprétations des attentats. Pour recracher les mêmes délires semi-complotistes. Le discours dominant de la gauchosphère est bien incarné par Saïd Bouamama. Tout y est : tiers-mondisme réchauffé, avant-gardisme rance, gauchisme frelaté.

 

Les militants ressortent les vieilles explications anti-impérialistes. Les attentats seraient directement causés par les guerres menées par la France, les États-Unis et même Israël (obsession malsaine de la gauche française). Les pays riches sont méchants et les États des pays pauvres sont uniquement des victimes innocentes de l’impérialisme, selon cette grille de lecture. Même l’ultra gauche décomposée y va de ses explications qui flirtent dangereusement avec les théories du complot. Une vision instrumentale du monde et un réductionnisme économique ne permettent pas de saisir la réalité politique. Les terroristes seraient le simple produit de l’Occident impérialiste, voire même leur jouet. Les origines de Daesh correspondent en réalité à des intérêts de classe et répondent aussi à des enjeux locaux propres à la région du Moyen-Orient.

 

 

Pire, les gauchistes n’hésitent pas à jeter un regard exotique sur la France dès qu’il s’agit d’évoquer les classes populaires. La spatialisation et la racialisation des rapports sociaux permet surtout d'occulter les clivages de classe. Le « problème des banlieues » est abordé de manière racialiste et misérabiliste. Certes, il faut lutter contre le contrôle au faciès. Mais la police réprime tous les habitants des quartiers populaires, quelle que soit leur confession religieuse. Les musulmans n’ont pas envie d’être amalgamés avec les islamistes. Mais tous les maghrébins n’ont pas non plus envie d’être amalgamés avec des religieux. Surtout ceux qui viennent des pays arabes et qui connaissent la barbarie de la religion et son rôle de répression des mouvements sociaux. Mais toute une gauche citoyenniste et identitaire oriente le discours critique vers une défense des religions.

 

Une lettre sur les attentats permet d’apporter de nombreuses clarifications sur la situation actuelle. La religion permet avant tout d’imposer des normes et des contraintes pour maintenir l’ordre moral et social. Le gauchisme jette un regard naïf et paternaliste sur les classes populaires. Il devient à la mode d’inciter les militants à prêcher la bonne parole dans les banlieues armé de son keffieh et de son t-shirt antifa. Malheureusement, les militants ne vont pas dans les quartiers pour chercher des camarades de lutte, mais des brebis égarées à recruter et à remettre dans le droit chemin du militantisme routinier. C’est toujours ce même discours victimaire qui occulte les capacités de révoltes des classes populaires.

Quand des jeunes jettent des pierres pour faire fuir la police, c’est tout aussi bien que de venir écouter les prêches d’un meeting pour militants. Les luttes contre la précarité, pour le logement, dans les entreprises (comme à PSA Aulnay), pour de meilleures conditions de vie n’ont pas besoin des militants pour s’organiser. Et heureusement, sinon il faudrait attendre encore longtemps et se contenter de pleurnicher sur le sort des racisés. Mais les militants préfèrent ignorer les personnes qui luttent concrètement contre les problèmes de leur vie quotidienne.

 

 

 

Malgré leur spécialisation et leur professionalisation, des intellectuels peuvent permettre de comprendre la société comtemporaine. Une enquête sur le narcotrafic au Mexique montre les liens entre le capitalisme, l'Etat et la criminalité. La Revue du Crieur propose de présenter des courants politiques à travers leur généalogie intellectuelle. Philippe Corcuff s'appuie sur la sociologie pour renouveller la pensée libertaire.

La littérature permet d'ouvrir la sensibilité critique. Les romans de Panaït Istrati adoptent le point de vue des exploités et des opprimés, contre tous les régimes capitalistes et autoritaires. Benjamin Fondane s'appuie sur la révolte Dada mais critique la soif de respectabilité du mouvement surréaliste. mais il montre bien l'importance d'une révolte poétique.

La créativité permet également d'ouvrir l'imaginaire. Des pratiques artistiques proposent un regard critique sur l'administration du monde marchand. Les cultures populaires, comme la série Games of Thrones, permettent à Podemos de renouveller le discours politique.

Les situationnistes parviennent à relier la créativité et la vie quotidienne. Le parcours de Guy Debord, fondateur de ce mouvement, permet de présenter cette aventure politique. Les idées situationnistes ont influencé également les milieux de l'art et de la contre-culture. La critique de l'urbanisme montre comment les situationnistes relient l'analyse du capitalisme et le désir de transformation de la vie quotidienne.

 

 

Sommaire n° 22 :

 

Intellectuels critiques

Narcotrafic et terreur au Mexique

Une riposte intellectuelle et politique

Philippe Corcuff, sociologue anarchiste

 

Ecrivains roumains

Panaït Istrati, écrivain et aventurier

Benjamin Fondane, l'art et la poésie

 

Créations artistiques et culturelles

Pratiques artistiques et pensée critique

Games of Thrones : série et stratégie politique

 

Critique situationniste

La vie de Guy Debord

La diffusion des idées situationnistes

Les situationnistes contre l’urbanisme

Publié dans #Numéros complets

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