Mascarade Syriza : édito n° 18
Publié le 2 Mars 2015
On peut se réjouir de cette percée de la gauche radicale. Des mesures sociales peuvent permettre de sortir la tête hors de l’eau. Mais c’est rapidement oublier que la Grèce demeure, avant tout, une terre de luttes. Des mouvements sociaux et des grèves ont permis bien davantage que les mesurettes de quelques politiciens aux dents longues. C’est même la multiplication des luttes qui a permis à des bureaucrates d’extrême gauche d’accéder au pouvoir, en Grèce comme en Espagne. Les bureaucrates de Syriza et de Podemos tentent d'encadrer les mouvements sociaux pour les orienter vers des objectifs réformistes. Ce sont évidemment des ennemis de classe du prolétariat. S’organiser pour coordonner et généraliser les luttes semble plus pertinent que de s’embourber dans les institutions. Il semble important d’affirmer que le changement social, qu’il soit révolutionnaire ou même réformiste, ne peut venir que de la rue. Il semble important de dénoncer les bureaucrates qui appellent à la capitulation et au maintien de l’ordre existant.
Le groupe TGPG propose une présentation historique de Syriza. Ce cartel électoral ressort toutes les vieilles fausses solutions de sortie de la crise, et même les camelottes gauchistes et anarchistes. La gestion de l'Etat est censée relancer l'économie. Mais les recettes poussiéreuses du keynésianisme semblent désormais impuissantes. Syriza s'appuie alors sur l'imposture autogestionnaire qui n'est qu'une gestion de la misère et de l'austérité. Les auto-entrepreuneurs, les coopératives et autres boutiques autogérées sont évidemment encouragés par Syriza. C'est aussi la solution illusoire préconisée par les anarchistes et les libéraux. "Puis mieux encore : éteignons nos écrans, et retroussons-nous les manches", conclue maladroitement la Fédération Anarchiste 86 selon un mot d'ordre qui fleure bon les années Reagan ou la chanson des "enfoirés". Ces illusions de sortie de crise doivent être dénoncées. La lutte de classe pour la destruction de la logique capitaliste demeure la seule solution à la hauteur du désastre.
Mais, vu de France, l’engouement pour Syriza semble compréhensible. Pas uniquement du point de vue des arrivistes du Front de gauche. La conflictualité sociale semble beaucoup plus faible. Des luttes existent, évidemment, mais restent beaucoup trop isolées pour ne pas rester à leur visibilité locale. Pire, c’est le patronat qui est à l’offensive. La répression frappe durement les syndicalistes de lutte. La loi Macron ne se contente plus d’attaquer à nouveau les droits des salariés, mais renforce également la protection des patrons. Et ce n’est pas la mascarade de passation de pouvoir à la CGT qui va changer quelque chose à la situation sociale. Les bureaucrates, même les plus à gauche, restent des professionnels de la politique ou de la négociation. Seul le développement de luttes à la base peut permettre de renverser la tendance.
Ce numéro revient sur l’affaire Charlie Hebdo, avec le massacre du 7 janvier 2015 dans les locaux du journal. Le buzz est passé mais l’hystérie collective, avec son citoyennisme bêlant, était dure à vivre. Plutôt que de se prononcer sur la question être ou ne pas être Charlie, il semblait plus important de rappeler la véritable impertinence du journal contestataire dans les années 1970. Il semblait également important de prendre ensuite un peu de recul pour dénoncer le contexte de l’antiterrorisme et l’instrumentalisation des attentas avec des objectifs sécuritaires. Enfin, après trois semaines, la critique de la ligne éditoriale du journal sanctifié peut devenir plus audible. Le Charlie Hebdo de Philippe Val, loin de faire l’apologie de la liberté d’expression et de l’irrévérence, n’a cessé de ramper devant les puissants.
De nouvelles luttes sociales semblent émerger. Ces mouvements, malgré leur séparation, expriment de nouveaux désirs. Au Maroc, le mouvement de 20 février bouscule les veilles organisations hiérarchiques héritées du marxisme-léninisme. Le mouvement des homosexuels attaque l’ordre moral et patriarcal. Lorsqu’il s’articule à une réflexion globale, ce mouvement attaque l’oppression capitaliste. Les luttes de précaires se développent avec la crise du salariat. Ces mouvements oscillent entre mode de vie alternatif et remise en cause de l’exploitation et du travail.
Les avant-gardes artistiques insistent également sur le refus du travail. Marcel Duchamp développe une créativité qui tente d’échapper aux normes marchandes. Il influence également des musiciens comme John Cage qui aspirent à généraliser la sensibilité artistique contre la spécialisation professionnelle. Mais ces mouvements semblent trop déconnectés de la lutte de classe pour menacer l’ordre existant et changer la vie.
En revanche, le mouvement situationniste tente de dépasser l’art pour proposer une critique radicale de la vie quotidienne. L’auto-organisation des luttes doit permettre d’attaquer l’aliénation marchande. Le témoignage de Raoul Vaneigem revient sur l’aventure situationniste. La révolution n’est plus dirigée par une avant-garde de militants, mais devient un moment de créativité et de plaisir généralisé.
Charlie Hebdo, journal provocateur et libertaire
Le piège de la répression antiterroriste
Philippe Val, patron de Charlie Hebdo
Les nouveaux mouvements sociaux au Maroc
Les mouvements de lutte homosexuels
Les jeunes précaires face à la crise du salariat
Marcel Duchamp, la créativité contre le travail
John Cage et mla musique du silence