Pour des luttes concrètes : édito n° 17
Publié le 15 Décembre 2014
Visages masqués, vitrines brisées, tags plus ou moins marrants et même émeutes groupusculaires sous le regard amusé des badauds : c’est le retour des "totos". Le mouvement autonome regroupe tous ceux qui veulent lutter en dehors des partis et des syndicats, dans un éclectisme joyeux. Sur fond de come-back fracassant du Comité invisible, la mort de Remi Fraisse a permis le retour des insurrectionnalistes. Mais, au-delà du folklore sympathique, les blacks blocs restent à la remorque des organisations déliquescentes du mouvement social. Pendant la mode de l’altermondialisme, les émeutiers se contentaient de faire quelques dégâts dérisoires derrière le cortège d’ATTAC pour demander une taxation de la finance. Désormais, les « antifas » sucent la roue de la CONEX, une bureaucratie qui défend la démocratie bourgeoise contre le Front National. Les anarchistes et autres « autonomes » restent enfermés dans une otique unitaire du Front commun. Mais il n’y a plus rien à attendre de cette social-démocratie agonisante.
Quand ils tentent d’impulser leurs propres mouvements, les insurrectionalistes se content toujours d’un entre-soi anarcho-gauchiste. Les manifs contre les violences policières expriment souvent un repli identitaire. « Nous sommes anarchistes et fiers de l’être. L’Etat tremble déjà devant notre vengeance implacable » : voilà le principal discours politique proposé. Le slogan « Flics, porcs, assassins » résume cette idéologie. Les policiers tuent parce qu’ils sont méchants. En plus, à l’image des bureaucraties syndicales, les insurrectionnalistes se contentent de journées d’actions et de manifs sans lendemain. Mais un discours plus critique s’est également développé. Des tracts attaquent la violence de classe qui permet de perpétuer la domination des exploiteurs sur les exploités, notamment dans les quartiers populaires.
Heureusement, des analyses de classe parviennent à émerger sur les décombres du mouvement autonome. S’organiser en dehors des partis et syndicats ne doit pas consolider le petit confort de l’entre soi militant, mais peut permettre de rencontrer de nouvelles personnes pour développer des pratiques de lutte. La crise économique et les politique d’austérité exigent une auto-défense de classe qui ne peut plus se contenter de discours grandiloquents. Des initiatives parviennent à éclore. A Brest, une assemblée de lutte semble se développer dans le refus d’une séparation entre divers collectifs spécialisés. Des luttes s’organisent contre les CAF qui préfèrent fliquer les allocataires plutôt que de leur verser immédiatement les revenus indispensables à leur survie. « On veut des thunes en attendant le communisme », indique même une banderole dans une manifestation contre le chômage et la précarité. Les vieilles revendications et autres programmes de transition ne font rêver personne, et ne sont même plus réalisables.
Ce numéro revient sur un mouvement d’ampleur avec la lutte de 2011 au Québec. Malgré des limites, de nouvelles pratiques de lutte se diffusent. Même si le collectif de débrayage souligne les limites et les lourdeurs d’une démocratie directe qui s’enferme dans ses protocoles. Ce fonctionnement empêche la libération d’une politique créative et passionnelle.
Ensuite, le moment 1968 est évoqué. La lutte des étudiants au Mexique débouche vers une répression sanglante. 1968 ne se réduit malheureusement pas à l’insouciance de la fête révolutionnaire. En France, le mouvement permet une politisation intense. Cette lutte d’ampleur permet de bouleverser le quotidien et la vision du monde d’une jeunesse révoltée.
Des courants intellectuels s’appuient sur la pensée vivante de Marx pour renouveler la critique sociale. Cornélius Castoriadis s’appuie sur les conseils ouvriers pour penser l’émancipation. Mais il s’enferme ensuite dans une logorrhée trop déconnectée des luttes. La critique de la valeur subit la même dérive marxologique. Malgré des réflexions qui se distinguent du crétinisme de la gauche du capital, ce courant intellectuel se réfugie dans un théoricisme opaque sans la moindre influence.
Au contraire, la pop culture reste accessible au plus grand nombre. Loin de se réduire à un simple divertissement, les nouvelles cultures populaires diffusent aussi des réflexions critiques. Le cinéma et les séries demeurent un très bon exemple. Breaking Bad, feuilleton à succès, présente un regard sombre et pessimiste sur la brutalité du capitalisme. De nombreuses séries américaines se penchent sur les problèmes sociaux. La critique des rapports de race et de classe traverse ses nouvelles formes d’expression culturelle. Le cinéma et les séries peuvent permettre d’inventer un nouveau langage politique et devenir un support pour diffuser une critique radicale de l’ordre existant.
Grève étudiante et mouvement social au Québec
Une analyse du mouvement étudiant au Québec
La répression de la lutte au Mexique en 1968
Mai 68, moment de politisation
Castoriadis, un penseur révolutionnaire
La critique radicale de la valeur et ses limites
Réflexions critiques sur la Pop Culture